Droit international

Belgique : Non-lieu pour non-dénonciation présumée d’abus sexuels
TPI francophone de Bruxelles, 5 octobre 2021

- Modifié le 5 octobre 2023

Le 30 novembre 2018, un rapport intitulé « Signalement sur le traitement des abus sexuels sur mineurs au sein de l’organisation des témoins de Jéhovah » et une recommandation ont été rédigés par le Centre d’Information et d’Avis sur les Organisations Sectaires Nuisibles (CIAOSN), un centre indépendant institué auprès du ministère de la Justice belge (l’équivalent de la MIVILUDES en France).

Ces documents ont ensuite été communiqués à la Chambre des Représentants et au ministère de la Justice pour demander une enquête sur les abus sexuels que subiraient les mineurs au sein des Témoins de Jéhovah et qui ne seraient pas signalés aux autorités judiciaires.

Siège national des Témoins de Jéhovah à Kraainem en Belgique
© Google Street View

Après trois années d’enquête pénale initiée par le parquet fédéral pour non-dénonciation présumée d’abus sexuels sur mineurs, dont la perquisition au siège national des Témoins de Jéhovah à Kraainem, la chambre du conseil du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a prononcé le 5 octobre 2021 un non-lieu en faveur de l’ASBL Congrégation chrétienne des Témoins de Jéhovah.

L’ordonnance conclut donc que les accusations de non-dénonciation d’abus sexuels sur mineurs n’ont pas été confirmées par l’enquête et qu’il n’y a donc aucun élément permettant de poursuivre l’association poursuivie, ni aucune autre personne :

« En l’espèce, il n’existe pas de charges suffisantes justifiant le renvoi de la prévenue du chef des préventions A à C telle que visées dans le réquisitoire de non-lieu tracé par l’Office de Monsieur le Procureur fédéral en date du 30 mars 2021, les déclarations unilatérales des parties plaignantes et de témoins non étayées par tout autre élément d’enquête, notamment suite aux perquisitions effectuées sur base du mandat délivré par Madame le juge d’instruction en date du 21 avril 2021 […].

En outre, l’instruction ne permet pas d’imputer les faits des préventions A à C à une ou plusieurs autres personnes déterminées […]. »

Par ailleurs, l’association belge des Témoins de Jéhovah a annoncé avoir déposé le 18 juin 2021 une action civile pour réparation de propos diffamatoires contre le ministère de la Justice, qui est responsable du CIAOSN. En effet, les déclarations de ce dernier au sujet de la politique de protection des enfants au sein de la communauté chrétienne sont sans fondement et ont été largement relayées dans les médias.

Docteure en Études religieuses, Holly Folk a analysé ce rapport du CIAOSN et celui qui l’a inspiré aux Pays-Bas [1]. Elle a constaté qu’ils reposent principalement sur des articles de presse à sensation et qu’ils ne répondent pas aux normes basiques de la recherche en science sociale. De plus, elle souligne que ces « enquêtes » comptent les abus sexuels commis dans le cadre familial au même titre que ceux perpétrés dans un cadre institutionnel, cela à tort et uniquement quand il s’agit des Témoins de Jéhovah [2]. Or, il n’est pas établi que ces cas d’abus sexuels seraient supérieurs à la moyenne dans la population générale.

Le parquet fédéral est arrivé à une conclusion semblable sur l’absence de responsabilité de l’organisation des Témoins de Jéhovah pour ce qui se déroule en dehors de l’institution :

« Pour rappel, l’enquête portait sur la non-divulgation organisée des faits d’abus sexuels par les Témoins de Jéhovah. Il se peut qu’il y ait eu des faits, mais, le cas échéant, cela s’est déroulé dans la sphère intra-familiale. Ces faits ne peuvent donc pas être imputés à l’association des Témoins de Jéhovah. »

Dans cette affaire, l’ONG Human Rights Without Frontiers déplore que peu de médias belges aient informé de l’issue de cette enquête pénale, alors que la plupart d’entre eux se sont montrés plus enclins à propager des accusations non vérifiées pour stigmatiser les Témoins de Jéhovah [3].