À Nordhouse en Alsace, les activités de « démarchage à domicile » sur le territoire de la commune ont été soumises à une autorisation préalable par un arrêté municipal du 25 novembre 2019.
Ignorant probablement cette récente règlementation, des Témoins de Jéhovah pratiquaient le 15 décembre 2019 leur évangélisation habituelle de porte-à-porte, quand deux policiers municipaux leur ont ordonné d’interrompre leur activité, à défaut d’avoir une autorisation préalable de la mairie.
L’Association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah d’Erstein a donc adressé au maire de Nordhouse un courrier daté du 8 janvier 2020 pour lui demander d’attester que l’œuvre d’évangélisation de ses membres n’est pas concernée par son arrêté. Par courrier du 21 janvier 2020, le maire a répondu cependant que cette activité est bien soumise au nouvel encadrement du démarchage à domicile dans sa commune.
L’association a donc décidé de demander au juge administratif l’annulation de cette réglementation du démarchage à domicile édictée par le maire de Nordhouse.
La commune de Nordhouse a plaidé l’absence d’intérêt à agir de l’association et donc le rejet de sa demande, en faisant valoir, selon le tribunal, « que l’arrêté en litige porte réglementation d’activités auxquelles ne peuvent aucunement être assimilées les activités exercées par l’association requérante ».
Dans ses conclusions, le rapporteur public a constaté « que cet arrêté ne brille pas par sa rigueur et sa précision, ce qui se révèle toujours très dangereux en matière de police et de libertés publiques », qu’il s’agisse de la confusion entre l’« autorisation préalable » et la « déclaration préalable » ou bien de la définition des activités visées.
En raison des imprécisions de l’arrêté litigieux et de son application explicite aux visites domiciliaires effectuées par les membres de l’ALCTJ d’Erstein, tant par l’intervention de la police municipale que par la réponse écrite de l’élu, le rapporteur public a conclu que la requérante a un intérêt à agir et à demander l’annulation de cet acte administratif.
Et de souligner la nécessité « parfois de repréciser aux élus locaux l’étendue de leurs pouvoirs », en particulier en matière de libertés publiques : « Le principe est la liberté, la réglementation de police est l’exception. »
Dans son jugement du 5 octobre 2021, le Tribunal administratif de Strasbourg rappelle d’abord comment le démarchage à domicile est défini par le droit :
« D’une part, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté en litige vise à réglementer les activités de démarchage à domicile, qualifiées par le code de la consommation de “contrat hors établissement”, en visant à cet effet les dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-29 du code de la consommation, précitées. »
Par conséquent, il en déduit que l’activité d’évangélisation des Témoins de Jéhovah ne relèvent pas du démarchage à domicile encadré par l’arrêté et que la demande de l’association est dès lors irrecevable :
« Il ressort du rapprochement entre l’objet statutaire de l’association à savoir des activités de prédication qu’elle mène, et le champ d’application de l’arrêté, que les activités de l’association requérante n’entrent pas dans le champ de l’arrêté en litige. Par suite, le maire ne pouvant leur opposer cet arrêté, l’association requérante n’est pas recevable à en demander l’annulation. »
La Lettre de la Cour administrative d’appel de Nancy et des tribunaux administratifs de Besançon, Châlons-en-Champagne, Nancy et Strasbourg de mai 2022 indique que ce jugement n’a pas fait l’objet d’un appel.