Chronique

L’arrêt ACTJ d’Anderlecht et autres c. Belgique : pour un régime cultuel neutre véritablement pluraliste
Petr Muzny, Revue du droit des religions, n° 14 | 2022

L’arrêt Assemblée chrétienne des Témoins de Jéhovah d’Anderlecht et autres c. Belgique rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 5 avril dernier [1] va certainement causer une onde de choc dans les relations entre les religions et l’État en Belgique, et remettre en cause le régime de reconnaissance cultuelle établi chemin faisant depuis presque deux siècles.

Cet arrêt n’est pourtant pas une surprise si l’on tient compte des standards internationaux [2] et des avertissements répétés de la doctrine qui a affublé ce régime de reconnaissance des cultes de qualificatifs tels que « boiteux », « obsolète », « dépassé » [3], marqué par des « déficiences graves [4] », porteur d’« insécurité juridique [5] », etc. [6].

Preuve que les grandes affaires prennent souvent naissance dans des sujets anodins, le présent arrêt touchait pourtant essentiellement à une question spécifique de taxation dénuée de rapport direct avec le régime des cultes et propre à la seule Région Bruxelles-Capitale. En fait, les neuf associations chrétiennes Témoins de Jéhovah avaient bénéficié durant plusieurs dizaines d’années d’une exonération du précompte immobilier sur les bâtiments affectés à leurs lieux de culte. Or, par l’ordonnance bruxelloise du 23 novembre 2017, elles en avaient été privées au motif que le précompte immobilier était devenu un impôt régional et que la région concernée, pour des motifs apparemment de lutte contre la fraude fiscale, ne souhaitait dorénavant faire bénéficier cette exonération qu’à « l’exercice public d’un culte d’une religion reconnue [7] ».

Voilà comment sous couvert d’un critère objectif, celui de « religion reconnue », le législateur avait non seulement privé ces associations du seul et unique avantage fiscal encore existant, mais il avait par la même occasion amplifié la ligne de démarcation entre le club des six religions et les autres.

Le rejet par la Cour constitutionnelle de leur recours en annulation aux motifs que l’atteinte à leur liberté de religion n’était pas excessive et que, au surplus, rien ne les empêchait de procéder à l’enregistrement en tant que religion reconnue, fut le coup de trop pour ces associations, qui placèrent leurs espoirs dans « la conscience de l’Europe [8] ».

L’arrêt de la Cour européenne ne s’est pas fait attendre, car après une procédure prestement menée en un temps record de moins de deux ans [9], la Cour a rendu son arrêt en concluant à une discrimination religieuse (art. 14 et 9) en combinaison avec une violation au droit au respect des biens (art. 14 et art. 1 Protocole no 1).

Riche d’enseignements, le présent arrêt confirme la jurisprudence bien établie de la CEDH en matière de discrimination religieuse (1), tandis qu’il impacte en profondeur le régime belge de reconnaissance cultuelle (2), avec une nécessaire remise en cause des pratiques étatiques vis-à-vis des groupements religieux minoritaires (3).

1. Une confirmation de la jurisprudence européenne en matière de discrimination religieuse

Dans la droite ligne de l’arrêt de la Cour constitutionnelle [10], le Gouvernement arguait d’une part de l’inapplicabilité des dispositions de la Convention, car la suppression de l’exonération de l’imposition n’affectait pas les requérantes de manière significative au point de porter atteinte à leur liberté de religion. D’autre part, il considérait que face aux risques d’abus fiscal il fallait consacrer un critère objectif, celui de « religion reconnue » et, partant, les associations n’avaient qu’à introduire une demande de reconnaissance afin d’en bénéficier à nouveau.

En se servant d’un contrôle de proportionnalité effectif, la Cour montre qu’elle ne peut se suffire d’arguments généraux déconnectés de la réalité, mais qu’elle recherche de manière concrète quel est l’impact réel de la différence de traitement sur les requérantes. Son contrôle approfondi l’amène à juger que la restriction fiscale tombe en l’espèce sous le coup de l’article 9 (1.1) et que, même si le but poursuivi de lutte contre la fraude fiscale est en soi légitime (1.2), il ne justifie pas la différence de traitement en l’espèce, car il se fonde sur un régime de reconnaissance cultuelle arbitraire (1.3).

1.1. L’applicabilité de l’article 9 de la Convention en matière de restrictions fiscales

L’argument sur le faible impact fiscal de la taxation était attendu. Puisque, selon la Cour, pour tomber sous le coup des articles 9 et 14 de la Convention, une association religieuse ne saurait exiger des États d’accorder « un statut spécial impliquant des privilèges particuliers [11] » et qu’une mesure fiscale devait entraver sérieusement l’organisation interne et le fonctionnement d’une association, le Gouvernement avait tôt fait de souligner que « le précompte immobilier ne représent[ait] que 1,25 % du revenu cadastral majoré des centimes additionnels communaux et des centimes additionnels en faveur de l’agglomération bruxelloise ».

Ce faible pourcentage cachait pourtant une réalité autrement plus grave. Les associations ont démontré que la taxation ponctionnait en moyenne 23 % de leurs revenus. Survivant seulement grâce aux modestes donations de leurs ouailles, ces associations n’avaient donc plus de trésorerie suffisante pour faire face à leurs dépenses générales d’entretien et de fonctionnement une fois le tribut prélevé. La Cour a donc clairement admis que « cette imposition n’est pas insignifiante et affecte considérablement le fonctionnement des requérantes en tant que communautés religieuses [12] ». La restriction entrait donc dans le champ d’application de la liberté de religion des requérantes et, partant, la Cour pouvait continuer de rechercher si les autorités avaient commis une discrimination religieuse.

1.2. La lutte contre la fraude fiscale peut en soi justifier une différence de traitement

En outre, le Gouvernement avait certes admis que l’imposition de la taxation créait une différence de traitement entre les bâtiments affectés au culte des Témoins de Jéhovah et ceux des autres religions reconnues. Après tout, la jurisprudence de la Cour ne faisait aucun doute sur la nature cultuelle des Témoins de Jéhovah [13]. Mais il invoquait la nécessité de lutter contre « certaines pratiques considérées comme abusives », se référant à un critère permettant de « simplifier la perception de l’impôt [14] ». La Cour mue par sa volonté de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs [15] » ne se suffit pas de cette allégation en l’absence de preuve. Si les autorités fiscales peuvent justifier des modifications législatives pour faire face à un phénomène d’abus, en l’espèce le législateur n’avait apporté aucune preuve établissant l’existence ou l’augmentation de cultes fictifs. La Cour remarque d’ailleurs que les requérantes n’ont jamais été soupçonnées d’avoir commis de tels abus [16]. Il était donc inéquitable de punir les requérantes pour des infractions prétendument commises par des tiers. Le Gouvernement ajoutait qu’un contrôle de l’authenticité du culte en cas d’abus suspecté était « difficile, vu la liberté de culte constitutionnelle et l’interdiction d’ingérence en découlant (articles 19 et 21 de la Constitution) [17] ».

La Cour ne donne pas crédit à ce raisonnement, sans doute car il procédait d’une regrettable confusion. S’il est vrai que la Cour impose aux États un « devoir de neutralité et d’impartialité […] [qui] est incompatible avec un quelconque pouvoir d’appréciation de la part de l’État quant à la légitimité des croyances religieuses [18] », elle ne leur interdit pas de vérifier « l’authenticité [19] » d’un culte. En cas de suspicion d’abus, il suffisait aux autorités fiscales de vérifier si un culte se déroulait dans l’immeuble en question. Il ne s’agissait pas de juger de la légitimité de ce culte.

D’ailleurs, il ne faisait aucun doute que les associations requérantes pratiquaient un culte authentique. S’agissant des Témoins de Jéhovah, la Cour européenne a développé une jurisprudence étoffée qui établit que leurs lieux de culte [20], leurs convictions [21], ou encore leurs offices religieux [22] relèvent du « libre exercice du droit à la liberté de religion […] protégé par l’article 9 de la Convention [23] ».

Quant au droit belge, l’Administration précisait, après avoir défini un culte comme « l’exercice public d’une religion ; […] la manifestation extérieure et publique des sentiments religieux », que « le fait que le culte n’est pas reconnu comme tel par l’État belge ne peut pas justifier à lui seul le refus d’accorder le bénéfice de l’immunité du [précompte immobilier] afférent à l’immeuble ou à la partie d’immeuble dans lequel ce culte est pratiqué [24] ».

1.3. Une différence de traitement sans justification objective et raisonnable

Restait alors la question du critère dit objectif de « religion reconnue » qu’invoquait le Gouvernement pour justifier la suppression de l’exonération. En effet, dans la foulée de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, le Gouvernement s’était principalement opposé à la demande des requérantes au motif qu’il suffisait pour elles d’obtenir la reconnaissance cultuelle afin de continuer de bénéficier de l’exonération du précompte immobilier.

Dans un premier temps, la Cour aborde cet aspect avec retenue dans le respect de la marge nationale d’appréciation. Elle confirme qu’un État peut établir un tel critère qui « peut s’avérer pertinent ». En outre, à l’argument des requérantes qui opposaient l’absence de nécessité de ce critère de reconnaissance puisqu’il était limité à la seule Région de Bruxelles-Capitale, la Cour répond que le respect du principe de fédéralisme peut justifier une telle différence de traitement. Quant à l’argument des requérantes suivant lequel il n’était pas réaliste de solliciter la reconnaissance cultuelle « en raison des graves déficiences entourant la procédure de reconnaissance », la Cour prend soin de ne pas heurter de front la Cour constitutionnelle et son arrêt de rejet 178/2019 du 14 novembre 2019 en précisant que « la procédure de reconnaissance des cultes […] échappait […] à son contrôle de constitutionnalité [25] ».

En motivant ainsi son jugement, la Cour fait d’une pierre deux coups. D’une part, elle évite de blâmer la Cour constitutionnelle pour son arrêt qui a pourtant fait fi des principes conventionnels. D’autre part, elle justifie son intervention dans le respect du principe de subsidiarité, en affirmant qu’elle intervient dans un domaine où les autorités nationales ne disposent pas de la compétence pour ce faire [26]. Bref, à chacun son rôle. Pourtant, à mieux y regarder, ce raisonnement a tout l’air d’une pirouette juridique. En effet, si la Cour constitutionnelle ne pouvait sans doute pas en l’espèce juger de la constitutionnalité des critères de reconnaissance à l’aune de la mesure constitutionnelle en question, rien ne l’empêchait d’admettre, à la lumière de la Convention, qu’il était excessif d’obliger les requérantes à obtenir l’exonération par le biais de la procédure de reconnaissance. Après tout, c’était bien la Cour constitutionnelle qui avait avancé cette justification. Si elle avait poussé le raisonnement jusqu’au bout, elle aurait dû conclure que l’on ne pouvait raisonnablement exiger des requérantes de s’aventurer dans une procédure vouée à l’échec, et, partant, elle aurait annulé l’article 12 de l’ordonnance visée à la lumière de la jurisprudence établie de la Cour européenne.

Ce que donc la Cour constitutionnelle n’a pas voulu ou osé faire, la Cour européenne l’a fait. En intégrant dans son contrôle de proportionnalité le régime fédéral de reconnaissance cultuelle, la Cour européenne vérifie s’il comportait des garanties suffisantes pour éviter une discrimination religieuse contraire à l’article 14. Sans surprise, la Cour répond par la négative.

2. La remise en cause sans surprise du régime de reconnaissance cultuelle en raison de son caractère arbitraire

La Cour juge que le régime de reconnaissance cultuelle qui a prévalu durant presque deux siècles n’offre pas des garanties adéquates contre l’arbitraire (2.1). Il faudra donc que le Gouvernement belge s’attelle à une réforme d’ampleur (2.2).

2.1. Le caractère arbitraire du régime de reconnaissance cultuelle

Selon la Cour, « ni les critères de reconnaissance, ni la procédure au terme de laquelle un culte peut être reconnu par l’autorité fédérale, ne sont prévus par un texte satisfaisant aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité, lesquelles sont inhérentes à la notion de prééminence du droit qui gouverne l’ensemble des articles de la Convention [27] ».

S’agissant tout d’abord des critères de reconnaissance, la Cour constate que depuis presque deux siècles, ils « n’ont été identifiés par le ministre de la Justice qu’à la faveur de questions parlementaires qui lui ont été adressées [28] ». Cette conclusion confirme ce que rapport après rapport, commentaire après commentaire, la doctrine avait formulé de manière univoque : « Cette procédure complexe n’est toutefois établie dans aucun texte de loi et les critères ne sont explicités dans aucune base légale ; dès lors, le système de reconnaissance manque d’ouverture et de protection juridique [29]. »

Concernant ensuite la procédure de reconnaissance, la Cour constate que celle-ci « n’est pas davantage encadrée par un texte, qu’il soit législatif ou même réglementaire. Il en résulte notamment que l’examen d’une demande de reconnaissance ne s’accompagne d’aucune garantie, tant en ce qui concerne l’adoption même de la décision statuant sur pareille demande qu’en ce qui concerne le processus précédant cette décision et le recours qui pourrait, le cas échéant, être exercé ultérieurement contre celle-ci [30] ».

Confrontant son analyse à la réalité, elle remarque que les requérantes ne sont pas les seules pénalisées par cette absence de garanties contre l’insécurité juridique puisque l’Union bouddhique belge et le Forum hindou belge qui ont déposé leur demande de reconnaissance respectivement en 2006 et 2013 sont toujours dans l’attente indéterminée de leur sésame [31], alors même qu’ils bénéficient aux yeux de l’opinion publique d’un capital sympathie autrement plus élevé que celui des requérantes.

Enfin, pour ce qui est de la décision finale de reconnaissance, la Cour relève le risque supplémentaire d’arbitraire puisque « l’octroi de la reconnaissance est subordonné à la seule initiative du ministre de la Justice et dépend ensuite de la volonté purement discrétionnaire du législateur [32] ».

En d’autres termes, l’ensemble du régime de reconnaissance cultuelle est à ce point défaillant qu’il serait déraisonnable d’exiger des requérantes de se soumettre à cette procédure pour bénéficier de l’exonération.

À travers cet argumentaire qui aboutit à un constat de violation pour discrimination religieuse, comment ne pas voir que les effets du jugement dépassent largement le cas d’espèce pour remettre en cause tant l’ensemble du régime de reconnaissance cultuelle que l’approche des autorités belges vis-à-vis des minorités religieuses.

2.2. La nécessité de réformer le régime des cultes en Belgique

Le jugement de la Cour européenne relatif au régime de reconnaissance des cultes est sans appel. Pour mettre fin à son caractère arbitraire, il faut une réforme. Cette exigence n’est pas une surprise pour la Belgique. C’est plutôt un soulagement. Ce que la doctrine avait fortement recommandé, ce que les rapports avaient réitéré, ce que les autorités n’avaient pas pu ou voulu accomplir, la Cour européenne l’a finalement consacré.

Quelle réforme ? La Cour européenne ne le dit pas, laissant, comme à l’accoutumée, le soin aux autorités belges de corriger les défauts structurels dans le respect de leur marge nationale d’appréciation. Toutefois, il est possible de discerner en filigrane le cadre législatif que les autorités belges devront respecter. À la lumière de l’arrêt, certains aspects du régime peuvent être conservés, d’autres doivent impérativement être amendés.

La Cour ne remet pas en cause la dichotomie entre cultes reconnus et cultes non reconnus fondée sur le critère de religion reconnue tirée de l’article 181 de la Constitution [33]. La Cour n’impose d’ailleurs aucune préférence pour un régime cultuel, fût-il concordataire ou laïque, avec ou sans religion d’État [34], tant qu’il respecte les conditions d’un véritable pluralisme religieux, dans lequel un État neutre et impartial établit un régime dénué d’arbitraire et de discrimination. Partant, elle ne rejette pas le système de financement public des cultes. Les cultes jusqu’à présent reconnus ne devraient pas avoir trop d’inquiétudes concernant leur statut. Quant à l’existence et à l’étendue de leur financement par l’État, tout dépendra de l’ampleur de la réforme [35]. Plutôt que d’aborder ces détails, la Cour met plutôt en exergue le principe à suivre, avec la nécessité de favoriser le pluralisme religieux tout en garantissant un régime équitable susceptible de bénéficier à tous les groupes sans discrimination [36].

En revanche, l’arrêt encourage plutôt à une approche inclusive qui ne laisse pas de côté les groupes religieux minoritaires ou ceux qui n’obéissent pas à une logique partisane. Deux conséquences à cela. Premièrement, les autorités belges devront instaurer des critères clairement définis par une loi, voire par une disposition constitutionnelle. Jusqu’à présent les critères énoncés par le ministre de la Justice, étaient au nombre de cinq, à savoir qu’un culte devait : « 1) avoir suffisamment d’adeptes (plusieurs dizaines de milliers) ; 2) être structuré ; 3) être établi dans le pays depuis suffisamment longtemps (plusieurs décennies) ; 4) représenter un intérêt social ; 5) ne développer aucune activité qui pourrait aller à l’encontre de l’ordre social ». Ces critères relativement classiques pourraient être consacrés par la réforme, même si les autorités devraient veiller à ne pas causer de distinction injustifiée sur le fondement du nombre limité d’adeptes ou de la durée d’établissement dans le pays [37]. De même, en vérifiant le critère de l’intérêt social et de la conformité des activités avec l’ordre social, les autorités devraient éviter de tomber dans l’appréciation de la légitimité des croyances, tout en se cantonnant à un contrôle limité de l’atteinte de ces croyances aux valeurs sociales. En effet, d’une part, la Cour a réitéré l’importance de respecter l’autonomie des organisations religieuses, « afin que la communauté puisse fonctionner paisiblement, sans ingérence arbitraire de l’État [38] ». D’autre part, la Cour a expliqué de manière réaliste qu’il n’est pas du ressort des autorités étatiques d’apprécier des croyances qui, aux yeux d’un non-croyant ou d’un croyant d’une autre religion, pourraient apparaître comme « irrationnelles, déraisonnables ou imprudentes [39] ». C’est pourquoi un tel contrôle devrait s’en tenir à écarter une demande de reconnaissance au cas où les croyances religieuses seraient constitutives d’infractions pénales dûment constatées par des décisions de justice en force de chose jugée qui auraient établi des pratiques illégales.

Deuxièmement, les autorités belges devront établir une procédure d’instruction équitable, menée par un organe indépendant et impartial, « un organe non-politique [40] ». Ainsi, le Parlement, qualifié par la Cour d’« organe éminemment politique [41] » ne pourrait plus intervenir dans le cadre de la reconnaissance cultuelle. Quant à l’organe d’attribution de reconnaissance, fût-ce un ministre, l’Administration ou un organe judiciaire, son rôle devrait être strictement encadré dans le respect du principe de sécurité juridique, ce qui implique de prévoir tant les étapes de la procédure que les délais y afférents [42]. Autre aspect important, le refus de reconnaissance devrait être soumis à un contrôle de pleine juridiction permettant aux tribunaux d’annuler la décision, mais aussi, s’il le faut, de substituer leur appréciation à celle de l’organe en cas de défaillance [43]. Les autorités sont donc dans l’obligation de consacrer un régime prévisible et accessible afin de garantir une intervention étatique dans le respect des principes de neutralité et d’impartialité. Dans un domaine aussi sensible où les risques d’arbitraire et de discrimination peuvent se matérialiser à tout moment, un cadre normatif approximatif ou incertain n’est pas permis [44].

3. Les répercussions indirectes de l’arrêt

Toutefois, les conséquences de cet arrêt ne se limitent pas au seul cadre du régime de reconnaissance, mais servent de manière plus large d’avertisseurs aux autorités dont l’attitude a changé ces dernières années face aux groupes religieux minoritaires, et plus particulièrement face aux Témoins de Jéhovah.

Jusqu’à présent, le régime des cultes en Belgique s’est avéré fortement clivant. Tandis que les six religions reconnues bénéficient d’un cadre juridique détaillé ainsi que d’un large financement public qui selon d’aucuns s’élève à 900 millions d’euros en ajoutant les aides directes et indirectes [45], les autres religions minoritaires se trouvent dépourvues de tout bénéfice étatique et doivent continuer d’exister dans un cadre juridique peu propice à leur fonctionnement. Depuis quelques années s’est ajoutée à cela une attitude intolérante à l’encontre des cultes non reconnus, et en particulier des Témoins de Jéhovah, qui doivent faire face à de multiples restrictions et attaques avec le soutien parfois actif de l’État. Le critère de religion reconnue sert alors de (mauvais) prétexte pour justifier des restrictions à leurs droits.

Ainsi, en matière d’aumônerie dans les centres pénitentiaires et les hôpitaux, les autorités refusent d’accorder un droit d’accès au motif que la demande ne provient pas d’un ministre religieux d’une religion reconnue [46]. En outre, des affaires plus récentes révèlent une attitude de défiance, voire d’hostilité, vis-à-vis du culte que l’absence de reconnaissance peut attiser [47]. Même pour une religion parfois qualifiée comme étant « la plus persécutée au monde [48] », cette défiance a de quoi étonner [49]. Comme l’avait déjà affirmé la Cour européenne il y a près de quinze ans, un comportement discriminatoire « ne semble guère justifié à l’égard des groupes religieux ayant une longue existence au niveau international et qui sont également établis de longue date dans le pays et donc connus des autorités compétentes [50] ». C’est pourtant un fait coutumier de certains organes étatiques qui, souvent par ignorance, manquent à leur obligation de neutralité et d’impartialité, et succombent à l’influence de groupes de pression, de religions majoritaires, voire d’opposants individuels, pour instaurer de manière plus ou moins explicite la dichotomie du bon grain et de l’ivraie entre religion et secte [51]. À cet égard, il est établi depuis longtemps que cette distinction pseudo-scientifique [52] n’a pour seul intérêt que de rejeter dans cette catégorie artificiellement élaborée les groupes que l’on veut stigmatiser comme étant mauvais. Il serait regrettable que la Belgique abonde dans la même veine que la France, par exemple, qui avait procédé à une chasse aux sorcières à partir de 1995 en se servant du qualificatif de secte, ou que la Russie met en œuvre depuis une quinzaine d’années en se servant du critère d’extrémisme [53]. Toutes ces pratiques visant à restreindre le pluralisme religieux au nom d’une orthodoxie spirituelle bénie par l’État sont vouées à l’échec. Non seulement la Cour européenne veille, mais l’expérience a clairement montré qu’une politique de répression, loin de réussir à éliminer les groupes religieux minoritaires, tels que les Témoins de Jéhovah, n’a pas empêché leur expansion. C’est pourquoi les autorités étatiques seraient donc bien inspirées de réserver leurs forces pour d’autres luttes qui en valent la peine, comme celle visant à instaurer un régime véritablement pluraliste qui correspond au paysage religieux de ce début de troisième millénaire [54].

Bref, bien que douloureux, cet arrêt est la meilleure chose qui pouvait arriver à la Belgique. Le Gouvernement a dorénavant non seulement une feuille de route, mais aussi et surtout, ce qui lui manquait jusqu’à présent, une juste motivation pour entreprendre ce chantier majeur, celle de respecter ses engagements internationaux. Gageons qu’il en ressortira au final une plus grande justice sociale, car comme l’a si bien affirmé la Cour européenne : « une situation où l’État respecte les convictions d’un groupe religieux minoritaire, […] bien loin de créer des inégalités injustes ou une discrimination […], est plutôt de nature à assurer le pluralisme dans la cohésion et la stabilité et à promouvoir l’harmonie religieuse et la tolérance au sein de la société [55]. »

Petr Muzny
Université de Genève

Notes

[1CEDH, 5 avr. 2022, no 20165/20.

[2V. notamment H. Bielefeldt, Rapport du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, 22 déc. 2011 (doc A/HCR/19/60), §§ 59-62 : « Malheureusement, le Rapporteur spécial a reçu un grand nombre d’informations sur des pratiques et politiques discriminatoires en vigueur dans des États en ce qui concerne l’attribution à certaines confessions d’un statut particulier et d’avantages connexes, tandis que d’autres en sont écartées. Dans de nombreux cas, on ne trouve qu’une vague définition, voire aucune définition, des critères appliqués. »

[3M. Uyttendaele, « Le modèle belge de neutralité de l’État », in E. Carpano et M-L. Basilien-Gainche (dir.), Quel État de droit dans une Europe en crise ?, RDLF 2019, no 52 : http://www.revuedlf.com/droit-constitutionnel/le-modele-belge-de-neutralite-de-letat/ [consulté le 28 juin 2022].

[4Y. Thiels, I. Wouters, « Le régime des cultes en Belgique et au Portugal : de l’approche sécuritaire à l’approche égalitaire. Pistes de réflexion pour une modification législative », RBDC 2008, no 4, p. 373.

[5L.-L. Christians et. al., La réforme de la législation sur les cultes et les organisations philosophiques non confessionnelles. Rapport du Groupe de travail instauré par Arrêté Royal du 13 mai 2009, oct. 2010, p. 44.

[6Dernier en date, le commentaire portant sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle dans cette même affaire de celle qui a consacré une partie de sa thèse à ce sujet et n’a cessé d’attirer l’attention des autorités sur la nécessité de réformer le régime. « Depuis 1831, la procédure – de même que les critères – de reconnaissance des cultes découlent de la seule “pratique administrative” du ministre de la Justice, ce qui pose de sérieuses questions en termes de transparence, de sécurité juridique et d’égalité et de non-discrimination. » : S. Wattier et R. Mertens, « Les cultes non reconnus désormais discriminés en Région de Bruxelles-Capitale ? », JT 2020, p. 122.

[7Ord., 23 nov. 2017, effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la Région de Bruxelles-Capitale, art. 12§2.

[8E. Myjer et al., La conscience de l’Europe. 50 ans de la Cour européenne des droits de l’homme, London, Third Millenium Publishing, 2010.

[9Hormis pour les affaires impliquant des droits non dérogeables ou des situations urgentes, il est très rare que la Cour juge une affaire aussi rapidement. C’est la preuve que la Cour européenne avait compris à la fois l’importance de l’enjeu et l’urgence de la situation.

[10Cour const., 14 nov. 2019, no 178/2019.

[11§ 33 de l’arrêt. Toutefois, la Cour précise que « lorsque les autorités nationales octroient des privilèges fiscaux à certaines communautés sans y être nécessairement tenues par l’article 9 de la Convention, elles doivent également respecter l’article 14 de la Convention » (§ 39).

[12§ 37 de l’arrêt.

[13La Cour avait déjà eu l’occasion de noter que la religion chrétienne des Témoins de Jéhovah était « un culte connu » (CEDH, 25 mai 1993, no 14307/88, Kokkinakis c. Grèce, § 32). Toujours selon la Cour, les Témoins de Jéhovah forment une religion qui est établie de longue date sur le plan international et dont les autorités nationales sont familières (31 juill. 2008, no 40825/98, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et a. c. Autriche, § 98). Leurs croyances « atteignent un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d’importance » (Gde ch., 7 juill. 2011, no 23459/03, Bayatyan c. Arménie, § 110). En outre, leurs bâtiments appelés « salles du royaume » sont sans équivoque des lieux de culte à l’instar d’églises, de temples, de mosquées ou de synagogues (V. en dernier lieu, 3 sept. 2019, no 21477/10, Communauté religieuse des témoins de Jéhovah du district Ternivsky de Kryvyi Rih c. Ukraine, § 49). Dans les salles du royaume, les croyants accomplissent des rites chrétiens, tels des chants de louange, des prières et « l’étude de la Bible » (11 janv. 2007, no 184/02, Kuznetsov et a. c. Russie, § 53) qui sont reconnus et protégés par les articles 9 et 11 de la Convention.

[14Travaux préparatoires du Parlement de la Région Bruxelles-Capitale (RBC). Projet d’ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la RBC, A-554/2 - 2017/2018, p. 214.

[15CEDH, Gde ch., 26 avril 2016, no 62649/10, İzzettin Doğan et a. c. Turquie, § 114.

[16§ 45 de l’arrêt.

[17Exposé des motifs du projet de l’ordonnance effectuant les adaptations législatives en vue de la reprise du service du précompte immobilier par la RBC, 13 juill. 2017, A-554/1 - 2016/2017, p. 9.

[18CEDH, 5 oct. 2006, no 72881/01, Branche de Moscou de l’Armée du Salut c. Russie, § 58.

[19CEDH, déc. 3 mars 2009, no 20984/05, Lajda et a. c. République tchèque, § 2.3 ; V. aussi plus récemment CEDH, 8 juin 2021, no 48329/19, Association « Romuva » de l’ancienne religion balte c. Lituanie, §§ 115-119.

[20CEDH, 24 mai 2016, nos 36915/10 et 8606/13, Association de solidarité avec les témoins de Jéhovah et a. c. Turquie, §§ 90-91 ; 3 sept. 2019, no 21477/10, Communauté religieuse des témoins de Jéhovah du district Ternivsky de Kryvyi Rih c. Ukraine, § 49 ; 10 nov. 2020, no 5301/11, Association chrétienne des Témoins de Jéhovah de Bulgarie c. Bulgarie, § 90.

[21CEDH, Gde ch., 7 juill. 2011, no 23459/03, Bayatyan c. Arménie, § 110.

[22Par ex., CEDH, 11 janv. 2007, no 184/02, Kuznetsov et a. c. Russie § 53.

[23CEDH, 30 juin 2011, no 8916/05, Association Les Témoins de Jéhovah c. France, § 50.

[24Notons que le commentaire administratif contenait lui-même une rubrique spécifique relative aux Témoins de Jéhovah. Cette rubrique citait la jurisprudence belge qui considérait de longue date que « les “Témoins de Jéhovah” exercent un culte au sens précité et ont des réunions constituant l’exercice public d’un culte » : Bruxelles, 24 janv. 1962, ASBL « Témoins de Jéhovah ». Dans une affaire qui concernait la question du caractère cultuel des bâtiments de l’association nationale des Témoins de Jéhovah, la cour d’appel de Gand avait également conclu par l’affirmative en jugeant l’appel fondé « sans qu’il faille procéder à une visite des lieux à cet effet » : 6 mai 2010, no 2009/AR/68, Congrégation chrétienne des Témoins de Jéhovah ASBL c. Région flamande.

[25§ 49 de l’arrêt.

[26En traitant de cette question, la Cour constitutionnelle aurait pu étendre son effectivité juridictionnelle sur des questions essentielles d’ordre interne plutôt que de devoir la déléguer à une juridiction internationale plus éloignée des réalités locales. Le droit international n’est pas un instrument de limitation, mais de libération et d’enrichissement. Sur ce point, V. par ex. : G. Canivet, « Dialogue trans-judiciaire dans un monde international », Les Cahiers de la justice, no 2, 2010, p. 32 et s.

[27§ 51 de l’arrêt.

[28§ 52 de l’arrêt.

[29L.-L. Christians et al., op. cit., p. 44. Le rapport ajoute : « Le groupe de travail est toutefois d’avis que le législateur devrait fixer dans une loi organique des critères de reconnaissance ouverts, égaux et neutres qui peuvent être clairement vérifiés. Cela permettrait de mettre un terme à l’insécurité juridique et de réaliser parallèlement une stricte égalité de traitement. Cette proposition rejoint également les tendances internationales. »

[30§ 53 de l’arrêt.

[31Les propositions de loi relatives à l’Union bouddhique belge et au Forum hindou de Belgique sont toujours pendantes devant les chambres depuis la date de leur dépôt le 11 septembre 2019. V. doc. Parlementaires DOC 55 0312/001 et DOC 55 0311/001 : https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/0312/55K0312001.pdf et www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/0311/55K0311001.pdf [consultés le 28 juin 2022].

[32§ 54 de l’arrêt.

[33§ 44 de l’arrêt : « La Cour considère qu’en retenant la reconnaissance du culte comme critère de distinction présidant à l’exonération du précompte immobilier, les autorités ont opté pour un critère qui revêt un caractère objectif et qui peut s’avérer pertinent au regard du but poursuivi. […] Il n’entre pas dans les attributions de la Cour d’indiquer le critère qui devrait être adopté par les autorités nationales compétentes. »

[34V. par ex., CEDH, Gde ch., 10 nov. 2005, no 44774/98, Leyla Şahin c. Turquie, § 109 : « Lorsque se trouvent en jeu des questions sur les rapports entre l’État et les religions, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans une société démocratique, il y a lieu d’accorder une importance particulière au rôle du décideur national. »

[35Seules six religions sont actuellement « reconnues » en Belgique : les catholiques (date de reconnaissance : 1831 ; nombre de fidèles actifs : 286 000), les israélites (1832 ; 55 000), les anglicans (1835 ; 11 000), les protestants-évangéliques (1876 ; 140 000), les musulmans (1974 ; 400 000) et les orthodoxes (1985 ; 70 000). À ceux-là s’ajoute depuis 2002 la laïcité organisée qui regroupe toute conception philosophique non confessionnelle.

[36La Cour déclare que : « […] dans une société démocratique basée sur les principes du pluralisme et du respect de la diversité culturelle, toute différence fondée sur la religion ou la conviction doit être justifiée par des motifs impérieux. » (§ 30).

[37V. CEDH, 24 mai 2016, nos 36915/10 et 8606/13, Association de solidarité avec les témoins de Jéhovah et a. c. Turquie.

[38CEDH, Gde ch., 9 juill. 2013, no 2330/09, Sindicatul « Păstorul cel Bun » c. Roumanie.

[39V. CEDH, 10 juin 2010, no 302/02, Témoins de Jéhovah de Moscou et a. c. Russie, § 136. Elle illustre ses propos en affirmant que « les rites et les rituels de nombreuses religions peuvent nuire au bien-être des croyants, comme, par exemple, la pratique du jeûne, qui est particulièrement long et strict dans la chrétienté orthodoxe, ou encore la circoncision pratiquée sur les bébés mâles juifs ou musulmans » (§ 144).

[40CEDH, 8 avr. 2014, no 70945/11 et 8 autres, Magyar Keresztény Mennonita Egyház et a. c. Hongrie (extraits), § 103.

[41Ibid., §102.

[42Sous l’angle de l’article 13, la Cour a affirmé : « Une attention particulière doit aussi être prêtée à la rapidité du recours lui-même puisqu’il n’est pas exclu que la durée excessive d’un recours le rende inadéquat. » (CEDH, Gde ch., 13 déc. 2012, no 22689/07, De Souza Ribeiro c. France, § 81).

[43CEDH, Gde ch., 26 oct. 2000, no 30985/96, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, § 101.

[44V. entre autres, İzzettin Doğan et a. c. Turquie, précit., § 164 ; ou plus récemment, Association « Romuva » de l’ancienne religion balte, précit., §§ 133 et 143.

[45J.-Ph. Schreiber, « Le financement réel des cultes en Belgique », ORELA, 19 janv. 2012 : https://o-re-la.ulb.be/analyses/item/120-le-financement-réel-des-cultes-en-belgique.html [consulté le 28 juin 2022]. Pour une description plus générale du régime de financement en Belgique : J.-F. Husson (dir.), Le financement des cultes et de la laïcité : comparaisons internationales et perspectives, Namur, Éd. namuroises, 2005.

[46Il y a actuellement au moins trois recours devant le Conseil d’État de la part de ministres du culte Témoins de Jéhovah dont les autorités ont refusé la demande sur le fondement du critère de religion reconnue. Nul doute qu’à la lumière du présent arrêt commenté, de tels refus posent problème en termes de discrimination religieuse.

[47V. par ex. le jugement du tribunal correctionnel de Flandre orientale, section Gand, 16 mars 2021, qui condamne les Témoins de Jéhovah au motif que l’excommunication du plaignant aurait porté atteinte à l’intégrité psychique et à la dignité : https://www.unia.be/fr/jurisprudence-alternatives/jurisprudence/tribunal-correctionnel-de-flandre-orientale-section-gand-16-mars-2021 [consulté le 28 juin 2022]. Cette décision a suscité l’ire de la doctrine. V. notamment, J. Richardson, « La décision du tribunal de Gand au sujet des Témoins de Jéhovah : anomalie ou nouvelle réalité ? », Bitter Winter, 16 sept. 2021 : https://bitterwinter.org/la-decision-du-tribunal-de-gand-au-sujet-des-temoins-de-jehovah-anomalie-ou-nouvelle-realite/ [consulté le 28 juin 2022].

[48M. Introvigne, « Jehovah’s Witnessses : The World’s Most Persecuted Religion », Bitter Winter, 15 déc. 2020 : https://bitterwinter.org/jehovahs-witnesses-the-worlds-most-persecuted-religion/ [consulté le 28 juin 2022].

[49V. aussi les développements du professeur Rik Torfs, qui, il y a vingt ans déjà, avait placé la Belgique dans le modèle d’attitude le moins tolérant vis-à-vis de la liberté de religion. Selon l’auteur, la Belgique pratiquerait le modèle de scepticisme structurel qui se méfie d’emblée du phénomène religieux. Ce modèle difficilement compatible avec la liberté de religion existerait en Belgique depuis les travaux de la Commission d’enquête sur les sectes en France : R. Torfs, « Synthèse des travaux », in F. Messner (dir.), Les « sectes » et le droit en France, Paris, PUF, 1999, p. 301 et s.

[50CEDH, 31 juill. 2008, no 40825/98, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et a. c. Autriche, § 98.

[51A. Garay, « Réflexions sur les lobbies associatifs, le cas des associations dites anti-sectes », La Gazette du palais, 29-30 avril 1996, p. 447.

[52V. par ex., I. Rouvière-Perrier, La vie juridique des sectes, thèse, Paris II, 1992 ; R. Dericquebourg, « La controverse sur les sectes en France », in B. Ouellet et R. Bergeron (dir.), Croyances et société, Saint-Laurent, Fides, 1997, p. 79-102 ; ou encore plus anciennement J. Carbonnier, Note sous CA Nîmes, 18 juin 1967 : D. 1969, p. 366.

[53V. notamment, Avis sur la loi fédérale relative à la lutte contre les activités extrémistes de la Fédération de Russie, adoptée par la Commission de Venise lors de sa 91e session plénière (Venise, 15-16 juin 2012), CDL-AD(2012)016. Également, P. Muzny, « Propos introductifs », in P. Muzny (dir.), Les démocraties face à l’extrémisme, Bayonne, Institut Universitaire Varenne, 2014, p. 9-10.

[54Il semble en effet dépassé de continuer d’appliquer une approche qui répondait aux besoins de l’Église catholique du début du xixe siècle, de surcroît en obligeant les autres groupes à calquer leur fonctionnement sur ce modèle. V. C. Sägesser, « Le financement public des cultes à l’épreuve du pluralisme en Belgique », Revue du droit des religions, no 1, 2016, p. 95 et s.

[55CEDH, Gde ch., 7 juill. 2011, no 23459/03, Bayatyan c. Arménie, § 126.