Varia

La « laïcité pénitentiaire » au prisme du contentieux administratif fondé sur la liberté religieuse en détention
Serge Slama, Revue du droit des religions, n° 12 | 2021

- Modifié le 13 janvier

Résumé

De prime abord, la « laïcité pénitentiaire » apparaît à l’égard de la pratique de la religion plus bienveillante que dans le cadre d’autres services publics notamment parce qu’il pèse sur l’État en vertu de la loi de 1905 et de la loi pénitentiaire de 2009 une obligation positive d’assurer le libre exercice du culte et l’agrément des aumôniers pénitentiaires. Pourtant l’examen du contentieux administratif lié à l’exercice de la religion en prison (environ 125 décisions depuis 2003), qui n’est pas nécessairement révélateur du quotidien pénitentiaire, fait apparaître un « religieux carcéral » de plus en plus conflictuel, vecteur de revendications diverses liées à l’exercice du culte ou à la pratique religieuse, mais aussi source d’une répression administrative à l’égard des personnes détenues dans un contexte de lutte contre la radicalisation.

Abstract

At first glance, “prison secularism” appears to be more benevolent towards the practice of religion than in other public services, notably because the State has a positive obligation under the 1905 Act and the 2009 prison Act to ensure the free exercise of religion and the approval of prison chaplains. However, an examination of the administrative litigation related to the exercise of religion in prisons (about 125 decisions since 2003), which is not necessarily indicative of daily prison life, reveals an increasingly conflictual « prison religion », a vector of various claims related to the exercise of religion or religious practice, but also a source of administrative repression against detainees in the context of the fight against radicalization.


Dans leur étude De la religion en prison [1], Céline Béraud, Claire de Galembert et Corinne Rostaing identifient une « laïcité pénitentiaire » qui leur apparaît « insolite ». Insolite car contrairement à l’exercice de la liberté religieuse dans d’autres services publics (comme l’école), la laïcité pénitentiaire serait plus « inclusive » et « bienveillante [2] ». Cette spécificité, qui existe aussi dans les hôpitaux et l’armée, s’expliquerait, d’une part, par l’empreinte laissée par le christianisme sur les prisons françaises – les autres religions devant se couler dans ce moule pour pourvoir obtenir une certaine reconnaissance et, d’autre part, par le fait que l’exercice de la religion en prison – y compris certaines formes de « sur-religiosité » – a longtemps été appréhendé par l’administration pénitentiaire (AP) comme un vecteur d’apaisement ou même de pacification des personnes détenues et de maintien de l’ordre pénitentiaire [3].

À cette « laïcité pénitentiaire » correspond également un « religieux carcéral [4] ». L’exercice de la religion en prison a des particularités qui répondent à des logiques propres à l’univers carcéral, avec des usages spécifiques et pluriels et une place accordée par l’institution pénitentiaire à la religion elle-même (notamment au travers de l’agrément des aumôniers pénitentiaires) dans un contexte de diversification des religions d’appartenance ou pratiquées [5]. La religion constitue non seulement un soutien pour les personnes détenues, un espace où les relations se normalisent ainsi qu’une possibilité d’affiliation à un groupe protecteur au sein d’un univers souvent violent. Le religieux carcéral n’est pas cantonné à l’espace intime de la cellule du détenu mais fait l’objet d’une dimension collective (exercice du culte, prières collectives, port de certains signes ou tenues ou de la barbe) et d’un contrôle social (pression des caïds ou de co-détenus, appartenance communautaire, affiliation à un groupe, conversion, radicalisation, etc. [6]) qui est particulièrement accru dans l’espace clos d’une « institution totalitaire [7] ». Surtout que depuis quelques années, particulièrement avec le développement de politiques de lutte contre la radicalisation en prison [8], dans le contexte de la multiplication des attentats à partir de 2015, la religion en prison est de plus en plus appréhendée comme un facteur de risques [9].

Toutefois, comme en témoigne la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), « en vingt ans d’existence », cette question a « rarement [émergé] des sollicitations des détenus et intervenants en prison » à l’égard de l’association [10].

Par suite, étudier la façon dont le juge administratif appréhende l’exercice de la religion en prison c’est utiliser un prisme déformant. En effet ne sont portées devant les juridictions administratives que les relations conflictuelles ou pathologiques entre une personne détenue et l’administration pénitentiaire à propos de la pratique de la religion. Ce prisme, même s’il n’est pas représentatif du quotidien de l’exercice des religions en prison, est révélateur de certains conflits ou revendications sur leur exercice en détention mais aussi sur des demandes de reconnaissance (au travers des demandes d’agrément d’aumôniers de certaines religions, en particulier témoins de Jéhovah ou musulmans, ou de menus confessionnels) dans un contexte plus global de « montée des droits [11] » mais aussi du développement du contentieux administratif pénitentiaire depuis l’arrêt Remli en 2003 [12].

Pour traiter de cette question [13], il est paru nécessaire de ne pas s’arrêter aux seules décisions du Conseil d’État (CE) ou des cours administratives d’appel (CAA) accessibles sur Légifrance ou Ariane web – au demeurant peu nombreuses. L’ensemble du contentieux administratif pénitentiaire a été exploré par une consultation d’Ariane archive [14]. Au total, la recherche par mots clefs [15] a permis d’identifier, entre 2003 et 2020, 126 décisions (soit moins de 7,5 requêtes par an) dont 90 rendues par des tribunaux administratifs, 27 par des cours administratives d’appel et 9 par le Conseil d’État.

Et, si on dresse un profil des requérants, les plus quérulents, probablement parce qu’ils sont les plus marginalisés ou les moins reconnus, sont les… témoins de Jéhovah (TDJ) avec 53 requêtes. Ces recours, qui ont manifestement été systématisés au sein de cette communauté, ont donné lieu à 40 décisions de TA, 12 de CAA [16] et à 1 décision du Conseil d’État (portant sur 9 pourvois du ministère de la Justice)sur la question de l’agrément des aumôniers [17]. Pour le reste, même si on trouve quelques requêtes isolées liées à l’exercice des religions catholique ou protestante [18] ou sur des questions plus génériques de pratique collective de la religion, le contentieux concerne essentiellement la religion musulmane (55 décisions) à propos de sanctions disciplinaires ou de revendications liées à la pratique religieuse.

Le prisme du contentieux administratif fait apparaître que même si ces litiges restent quantitativement marginaux l’exercice de la religion en prison est de plus en plus conflictuel, et vecteur d’une répression administrative à l’égard des personnes détenues dans un contexte de lutte contre la radicalisation.

Cette évolution est d’autant plus paradoxale que la prison est l’un des services publics, avec d’autres institutions publiques fermées (hôpitaux et l’armée), pour laquelle il pèse de longue date sur l’État une obligation positive de permettre l’exercice du culte en son sein en raison du fait que les personnes incarcérées ne sont pas en mesure de se rendre dans les lieux ordinaires de culte [19]. En son article 26, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 garantit d’ailleurs expressément aux personnes détenues non seulement la liberté de conscience et de religion mais aussi le libre choix du culte « selon les conditions adaptées à l’organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement ».

Or, non seulement l’obligation positive qui pèse, au nom de la laïcité pénitentiaire, sur l’État d’assurer le libre exercice du culte en prison est de plus en plus contrariée (1) ; mais en outre l’expression de la religion en prison est de plus en plus la source de conflits et d’interdictions (2).

1. Une obligation positive de l’État de libre exercice du culte, au nom de la laïcité pénitentiaire, de plus en plus relative

Dès la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État pèse sur l’État une obligation positive d’assurer le libre exercice des cultes en prison, notamment par l’obligation d’agréer des aumôniers pénitentiaires et de les salarier, sous la seule réserve des exigences liées à la sécurité et au bon ordre de l’établissement [20]. Toutefois, pour le juge administratif, l’agrément des aumôniers, qui a été durant plus de dix ans une bataille menée par les témoins de Jéhovah (1.1.), et le libre exercice du culte en prison (1.2.), s’ils s’imposent à l’administration pénitentiaire, ne sont pas pour autant inconditionnels.

1.1. La garantie d’un agrément des aumôniers : un cheval de bataille des témoins de Jéhovah

Alors que l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 est connu parce qu’il prohibe en son alinéa 1 le financement des cultes par l’État, ce même article prévoit, en son alinéa 2, une dérogation expresse s’agissant de certains établissements publics au sein desquels les administrés sont placés sous la dépendance de l’Administration avec une liberté de mouvement restreinte rendant difficile ou impossible l’exercice habituel du culte (lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons) [21].

Par ailleurs, l’article R. 57-9-3 du Code de procédure pénale garantit à chaque personne détenue le droit de « satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ». Elle doit également être avisée lors de son placement sous écrou « de son droit de recevoir la visite d’un ministre du culte et d’assister aux offices religieux et aux réunions cultuelles organisées par les personnes agréées à cet effet ».

Dans ce cadre le Conseil d’État a eu l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions : d’une part, les aumôniers agréés apportent « un concours à la mission de service public » qui est « exclusif de tout prosélytisme » et la rémunération de tâches qu’ils effectuent « pour les besoins du service public pénitentiaire », y compris les fonctions complémentaires de soutien, ne méconnaît pas les dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 [22]. D’autre part, dans la mesure où les textes reconnaissent à la personne détenue « le droit de poursuivre […], à quelque titre que ce soit, la pratique du culte dont elle se revendique », l’administration pénitentiaire est dans l’obligation, dès que la demande en est formulée, d’agréer comme aumôniers un nombre suffisant de ministres de ce culte, « sous la seule réserve des exigences de sécurité et de bon ordre de l’établissement [23] ».

Pour refuser l’agrément, elle ne peut opposer valablement le nombre insuffisant de détenus se revendiquant d’une confession ni se contenter de faciliter les visites de droit commun de représentants du culte [24]. En outre, « dans la mesure où les locaux le permettent », elle doit également permettre l’organisation du culte dans les établissements – sous la réserve des exigences liées à l’ordre et la sécurité.

Ce contentieux de l’agrément des aumôniers a été initié dès 2007 par des témoins de Jéhovah. Ils obtiennent d’ailleurs dès cette première requête gain de cause. En effet le TA de Toulouse censure, pour défaut de motivation, le refus implicite du directeur régional des services pénitentiaires de Toulouse d’agréer un aumônier et lui donne injonction de réexaminer cette demande d’agrément [25]. Ils ont ensuite obtenu en 2008 l’annulation par le TA de Limoges [26] d’une décision de 2007 refusant un permis de visite à un ministre de culte.

Les décisions favorables aux témoins de Jéhovah se sont ensuite enchaînées. Une dizaine de requérants obtiennent l’annulation aussi bien des refus de permis de visite à des ministres du culte pour assurer une assistance spirituelle [27], que des refus d’agrément comme aumôniers (V. tableau).

Contentieux en annulation des refus d’agrément d’aumôniers témoins de Jéhovah
TA Lille, 4 févr. 2011 n° 0803807, 0803808, 0803809 confirmés par CAA Douai, 25 oct. 2011, n° 11DA00554, 11DA00555, 11DA00556 et par CE, 16 oct. 2013, précit., n° 354484, 354507, 354485 ;

TA Strasbourg, 8 déc. 2010, n° 0903057 confirmé par CAA Nancy, 13 oct. 2011, n° 11NC00211 et CE, 16 oct. 2013, précit., n° 354508 ;

TA Paris, 21 juin 2010, n° 0814387, 0806083 confirmés par CAA Paris, 30 mai 2011, n° 10PA03589, 10PA03618 et CE, 16 oct. 2013, précit., n° 351116, 351115 ;

TA Lyon, 12 avr. 2011, n° 0905571 confirmé par CAA Lyon, 24 mai 2012, n° 11LY01352 ;

TA Dijon, 23 mai 2013, n° 1202053 ;

TA Paris, 19 juin 2013, n° 1200192 ;

TA Bordeaux, 5 nov. 2013, n° 1104884 ;

TA Bordeaux, 3 déc. 2013, n° 1200472.

Dès le début des années 2000, les témoins de Jéhovah ont également contesté devant le juge administratif des décisions de l’AP consistant à retenir leurs revues religieuses – celles-là mêmes qu’ils distribuent dans nos villes. Là aussi dans des contentieux – qui se sont souvent éternisés – ils ont obtenu gain de cause, ce qui amènera en 2010 l’inscription de ce droit dans le Code de procédure pénale [28].

Contentieux indemnitaire : privation de la pratique du culte
TA Paris, 21 juin 2010, n° 0913626 confirmé par CAA Paris, 30 mai 2011, n° 10PA03619 et CE, 16 oct. 2013, précit., n° 351152 : 3000 € d’indemnisation au titre du préjudice moral s’agissant du droit de visite ;

S’agissant du même requérant : TA Toulouse, 30 avr. 2015, n° 1205687 : 500 € d’indemnisation s’agissant du refus persistant d’agrément de l’aumônier TDJ en raison du « droit des personnes détenues de participer aux offices de leur culte » ;

TA Rouen, 11 oct. 2012, n° 1002182 : 3000 € d’indemnisation en raison du préjudice moral du fait du non-respect de sa pratique religieuse pendant près de trois ans ;

TA Nancy, 25 févr. 2014, n° 1301051 : 3000 € d’indemnisation pour la privation de la pratique de son culte durant 6 des 8 années de sa détention ;

TA Rennes, 27 juin 2014, n° 1203260 : 500 € pour deux ans ;

TA Rouen, 25 nov. 2014, n° 1300664 : 3500 € pour la privation de la pratique du culte de 1995 à 2012 (prescription quadriennale pour les créances antérieures à 2007) – le seul fait d’avoir pu recevoir des visites au parloir d’un ministre du culte et entretenu des communications téléphoniques et épistolaires avec lui ou consulter des revues n’est pas suffisant ;

TA Limoges, 5 mars 2015, n° 1300089 : 3000 € pour 2 ans de privation de la pratique.

Jusqu’à la décision du Conseil d’État de 2013, l’administration pénitentiaire a manifestement traîné des pieds pour agréer ces aumôniers puisque certains ont saisi une seconde fois les juridictions administratives avant d’obtenir gain de cause.

Aumôniers témoins de Jéhovah : nouvelle saisine du JA pour l’agrément face à la résistance de l’AP
TA Toulouse, 26 avr. 2012, n° 0801481 confirmé par CAA Bordeaux, 22 oct. 2013, n° 12BX01613 à propos du même aumônier bénévole que la décision de 2007 ;

TA Paris, 17 mai 2013, n° 1116191, 1116695 : à propos de requérants de la décision du Conseil d’État du 16 oct. 2013. Toujours sur le même aumônier F. : TA Paris, réf., 13 juin 2013, n° 1308083 (injonction de délivrer un agrément provisoire sous astreinte de 200 € par jours de retard !) ;

TA Strasbourg, 19 juin 2013, n° 1104277 : à propos de l’aumônier ayant obtenu une décision favorable de la CAA de Nancy en 2011.

Enfin, dans une ordonnance pour le moins critiquable, le juge des référés du TA de Strasbourg a rejeté, pour défaut d’urgence (!), un référé-liberté visant à faire cesser les fouilles corporelles systématiques à l’issue de chaque parloir d’un détenu lors des visites de son ministre du culte alors même que la visite suivante devait avoir lieu… deux jours après l’ordonnance [29]. Toutefois, plusieurs mois après, en excès de pouvoir, ce même tribunal a annulé cette même décision manifestement illégale [30].

Les actions des témoins de Jéhovah ont ouvert la voie à des contentieux de détenus d’autres confessions en vue d’obtenir l’agrément d’aumôniers [31]. Ainsi, un aumônier musulman a obtenu l’annulation d’une décision lui retirant l’agrément en raison de sa prétendue radicalisation [32]. En revanche, la demande d’un détenu visant à obtenir que l’AP procède au recrutement d’aumôniers musulmans est rejetée dans la mesure où il ne lui appartient pas « de procéder au recrutement d’un aumônier, mais [uniquement] d’agréer un aumônier lorsqu’il est saisi d’une proposition par l’aumônier national du culte concerné [33] ». De même, s’agissant d’une situation de compétence liée, dès lors que, l’aumônier général protestant retire à un aumônier régional son agrément, l’Administration est tenue de mettre fin aux fonctions de celui-ci [34].

Cette première vague contentieuse liée aux agréments d’aumôniers a été suivie par d’autres contentieux plus généraux sur la pratique de la religion en prison. Mais le juge administratif a alors apporté des restrictions supplémentaires à celles fixées par la loi.

1.2. Restrictions prétoriennes à l’exercice du culte en prison

En vertu de la loi pénitentiaire de 2009 [35] et du Code de procédure pénale, l’administration pénitentiaire doit assurer le libre exercice du culte, sous la seule réserve du maintien de la sécurité et l’ordre pénitentiaire. En examinant la jurisprudence, on constate néanmoins que des conditions supplémentaires sont apportées par le juge administratif.

Le Conseil d’État a eu l’occasion d’en définir le cadre dans un arrêt Stojanovic du 11 juin 2014 [36]. L’intéressé contestait le refus d’abrogation de l’article R. 57-7-44 du Code de procédure pénale qui prévoit que la sanction de cellule disciplinaire emporte la suspension de l’accès aux activités – y compris à caractère cultuel – en violation notamment de l’article 9 de la CEDH. Faisant fi de la réalité carcérale, le juge administratif suprême a néanmoins rejeté le grief en se contentant de faire… lecture des dispositions de ce code (CPP, art. R. 57-9-3 à 57-9-7) qui prévoient les différents « droits dont continuent à bénéficier […] les détenus ».

Pourtant, lorsque des détenus contestent des décisions de transfert d’un centre pénitentiaire de la région parisienne vers un autre centre qui les éloignent de leurs familles mais risquent également de limiter leurs possibilités de pratiquer leur religion, cet argument n’est pas réellement pris en considération [37]. Le juge administratif estime, sans davantage d’investigations sur les conditions effectives d’exercice du culte concerné dans les établissements de transfert, que « la limitation ainsi apportée à la liberté d’exercice du culte […] n’est pas disproportionnée eu égard aux buts légitimes poursuivis de respect des principes de laïcité, de neutralité, de pluralité et de protection des droits et libertés d’autrui » dès lors que la pratique du culte reste – légalement – possible dans les cellules et les lieux affectés à cet usage « dans les conditions prévues par les articles précités du Code de procédure pénale [38] ».

De même, a été rejeté un recours contre une note par laquelle le directeur de la maison centrale de Saint-Maur a interdit toute manifestation individuelle ou collective à caractère religieux en dehors du lieu de culte ou de la cellule. Là aussi le juge administratif a rappelé les droits cultuels dont bénéficient légalement les personnes détenues [39].

En revanche, est curieusement rejeté pour défaut d’urgence un référé-liberté d’un détenu du centre de détention Tatutu de Papeari (Polynésie) qui se plaignait des chants religieux entonnés le soir par d’autres détenus, « en dehors de la salle de culte spécialement destinée à accueillir les manifestations religieuses ». Pour le juge des référés, ces seules « allégations » ne permettent pas d’établir l’atteinte au principe de laïcité [40].

Mais la principale restriction extralégale au recrutement des aumôniers est apportée par le Conseil d’État lorsqu’il valide la légalité d’un décret et d’un arrêté de 2017 soumettant leur agrément à l’exigence d’une formation préalable aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires. Alors même que le rapporteur public reconnaissait expressément que cette « exigence faite aux aumôniers de suivre une formation civique et civile pour pouvoir exercer leurs missions » pouvait difficilement être rattachée à la réserve d’ordre public de l’article 26 de la loi pénitentiaire, « sauf à donner de ces notions une conception beaucoup trop extensive, qui pourrait aller jusqu’à justifier d’imposer une telle formation à tous les ministres du culte, où qu’ils exercent, ce qui serait alors certainement regardé comme une immixtion excessive dans la liberté de fonctionnement des églises [sic] [41] », le Conseil d’État a validé ces textes. Il a certes reconnu que le pouvoir réglementaire a ajouté « une condition supplémentaire au recrutement ou à l’indemnisation de ces aumôniers » mais que celle-ci « repose sur la poursuite d’objectifs d’intérêt général et de sauvegarde de l’ordre public en lien avec la mission de ces aumôniers, qui interviennent dans des lieux fermés ou isolés, auprès d’agents ou de publics dont la liberté de mouvement est limitée, afin de leur permettre le libre exercice de leur culte ». Selon lui, une telle exigence de formation ne viole pas la loi de 1905 car elle n’a pour effet d’encadrer l’exercice des cultes ni de substituer l’appréciation de l’Administration à celle de l’aumônier national ou des autorités cultuelles [42].

Ce n’est donc pas sans arrière-pensée que l’État laïque a non seulement permis l’organisation des cultes en prison mais également encadré celle-ci [43]. La jurisprudence administrative fait également apparaître une face plus sombre de cette laïcité pénitentiaire qui peut également être plus conflictuelle et punitive.

2. Un contentieux révélateur d’un religieux carcéral source de conflits et d’interdictions

La cinquantaine de décisions des TA et CAA collectées fait apparaître un religieux carcéral qui peut également être la source ou le support de conflits ou revendications opposant l’administration pénitentiaire aux personnes détenues. Malgré dix ans de contentieux administratif pénitentiaire, ces décisions restent peu nombreuses et ne sont vraisemblablement pas représentatives du quotidien de l’exercice des religions en prisons [44]. Mais leur examen permet de mettre en exergue un certain nombre de points de tension, qu’il s’agisse de revendications liées à des objets cultuels ou des prescriptions ou interdits alimentaires (2.1) ou le fait que certaines pratiques de la religion sont jugées trop radicales ou collectives (2.2). En outre, hormis les affaires déjà évoquées concernant les témoins de Jéhovah, la quasi-totalité des décisions dans lesquelles le religieux carcéral est conflictuel concerne la religion musulmane.

2.1. Le rejet des demandes liées à des objets cultuels et menus confessionnels (hors cantine)

S’agissant des objets cultuels [45], dans le prolongement de la jurisprudence analysée ci-dessus, l’article R. 57-9-7 CPP prévoit expressément que « les personnes détenues sont autorisées à recevoir ou à conserver en leur possession les objets de pratique religieuse et les livres nécessaires à leur vie spirituelle [46] ». L’article 18 du règlement intérieur type [47] ajoute que « le port des vêtements religieux est interdit dans les lieux à usage collectif, à l’exception de la salle de culte. Les vêtements et objets de culte doivent être transportés dans un sac de la cellule à la salle de culte ». L’article 5 de ce même règlement permet le retrait d’objets et vêtements « laissés habituellement en [l]a possession [du détenu] » pour des motifs de sécurité. Par ailleurs, les conditions de remise de ces objets cultuels sont très encadrées. Ils ne peuvent être « apportés, déposés ou envoyés » que par les proches ou par l’aumônier, après les contrôles sécuritaires usuels [48]. Le détenu doit pouvoir également se les procurer par le biais des cantines [49].

Or, il résulte de la jurisprudence que des revues religieuses ou objets cultuels, amenés par des proches, sont saisis à l’issue des parloirs. Ainsi, par exemple, est confirmée la légalité du refus de remise des revues éditées par les témoins de Jéhovah au parloir à la suite du refus de l’administration pénitentiaire de faire parvenir celles-ci à l’intéressée par la voie postale. Non sans paradoxe, la CAA de Nantes estime que la détenue concernée pouvait demander à être abonnée à celles-ci [50].

Le juge administratif confirme aussi la légalité d’une décision de refus d’autoriser la remise directe au parloir d’un coussin de méditation au motif tiré de l’existence d’un risque pour la sécurité au sein de l’établissement [51]. Est aussi validé, s’agissant d’un détenu radicalisé, le refus de restituer un « lexique du Qor’an » et ce afin de « prévenir tout risque d’utilisation […] au sein de l’établissement à des fins de prosélytisme en faveur d’un islam radical [52] » ou encore la retenue d’au moins 29 ouvrages et d’un CD religieux, s’agissant d’un détenu ayant été sanctionné par « des actions de prosélytisme religieux » et alors qu’il dispose déjà dans sa cellule de plusieurs corans et autres livres religieux lui permettant de « pratiquer librement sa religion [53] ».

S’agissant des prescriptions alimentaires, l’article 9 du règlement intérieur type prévoit que chaque personne détenue reçoit une alimentation variée « compte tenu […], dans toute la mesure du possible, de ses convictions philosophiques ou religieuses ».

Malgré les recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté [54] et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans ce domaine [55], la question du respect des prescriptions alimentaires, en particulier la possibilité d’accéder à des menus hallal ou sans porc ou de pouvoir faire des périodes de jeûnes (comme le Ramadan), est source de recours, initiés – il est vrai – par une poignée de détenus [56].

C’est le TA de Grenoble qui, le premier, a été saisi de la question. Il a alors annulé la décision de refus [57] et donné injonction au directeur du centre pénitentiaire de proposer régulièrement aux détenus de confession musulmane des menus composés de viandes hallal [58]. Mais de manière assez inhabituelle, probablement en raison de la médiatisation, le ministre de la Justice a demandé – en vain [59] – à la CAA de Lyon le sursis à exécution de ce jugement en tant qu’il prononçait cette injonction. Il obtint néanmoins gain de cause au Conseil d’État trois mois après puisque celui-ci accorda le sursis en retenant que la distribution de repas composés de viande « halal » imposerait à l’établissement « des travaux d’un montant très élevé et matériellement difficiles à réaliser ou, à supposer l’approvisionnement par un sous-traitant matériellement possible, des coûts qui demeureraient élevés [60] ».

Par la suite, au fond, la CAA de Lyon a annulé le jugement du TA [61] et le Conseil d’État rejeté le pourvoi du détenu en écartant tout inconventionnalité ou illégalité. Certes, le juge administratif suprême reconnaît qu’il appartient à l’AP de permettre l’observance des prescriptions alimentaires résultant des croyances et pratiques religieuses. Mais cette obligation légale est toute relative puisqu’elle ne constitue qu’une obligation de moyen [62] qui ne s’impose pas « en toute circonstance » mais seulement « dans toute la mesure du possible eu égard aux contraintes matérielles propres à la gestion de ces établissements et dans le respect de l’objectif d’intérêt général du maintien du bon ordre des établissements pénitentiaires [63] ». Ainsi l’Administration n’est pas tenue de fournir des repas respectant les convictions religieuses mais seulement de donner accès à ceux-ci par le biais d’achats de produits en cantine et en apportant une aide en nature aux personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes uniquement « dans la limite de ses contraintes budgétaires et d’approvisionnement [64] ».

Par suite, sont rejetées les autres requêtes visant à ce que les repas contiennent de la viande « halal » – sous la seule réserve que soit établie qu’elle est accessible par le « cantinage [65] » – ou encore visant à assurer, dans la cantine, une diversité des viandes « halal [66] ». Sont également écartés les griefs sur l’insuffisance des repas distribués le soir lors du Ramadan [67] ou encore le fait qu’un placement à l’isolement rende plus difficile la pratique du Ramadan [68]. Le juge administratif censure uniquement le non-respect des dispositions du règlement intérieur lorsqu’un établissement exige que la demande d’accès à un régime alimentaire sans porc soit faite par l’intéressé de sa propre main et sans qu’elle ne puisse être faite par son avocat [69].

Au-delà des objets cultuels et menus confessionnels, les sources de litige portent sur la répression disciplinaire de la pratique religieuse collective ou radicale.

2.2. La validation des interdictions ou répressions disciplinaires de pratiques religieuses collectives ou radicales

L’examen de la quarantaine de décisions collectées fait apparaître une tendance lourde du juge administratif à valider les différentes interdictions de pratiques collectives, extériorisées ou radicales de la religion mais également à ne pas tenir compte des restrictions à la liberté religieuse liée à des sanctions disciplinaires, particulièrement à l’isolement.

Ainsi, les pratiques collectives ou extériorisées de la religion sont systématiquement sanctionnées [70]. En ce sens, la note du directeur de la maison centrale de Saint-Maur prohibant toute manifestation individuelle ou collective à caractère religieux en dehors du lieu de culte ou de la cellule était justifiée par l’existence d’une pratique de prière collective qui, jusque-là, était « tolérée sous le préau dans la cour de promenade ». Elle a été interrompue afin d’assurer le maintien du bon ordre dans l’établissement pénitentiaire et la garantie de la liberté d’opinion de chaque détenu ainsi que des principes de neutralité et de laïcité du service public, car des « pratiques ostentatoires du culte musulman ainsi que des actes de prosélytisme s’y sont développés de nature à provoquer des désordres et à porter atteinte à la liberté de conviction des autres détenus [71] ». Et le non-respect de cette note donne lieu à des sanctions également validées par le juge [72]. Il en est de même lorsqu’un détenu se livre à deux reprises à une prière individuelle dans la cour de promenade [73].

Sont validées – pêle-mêle – une sanction de mise en cellule disciplinaire de quarante-cinq jours, à l’encontre d’un détenu fragile psychologiquement, pour avoir asséné un coup de poing au visage d’un surveillant qui aurait tenu des propos choquants sur la religion [74], de cinq jours avec sursis en raison de la découverte de six tapis de prière recouvrant le sol de sa cellule [75]. Est aussi justifiée une mise en cellule disciplinaire, par exemple, en raison du port de la djellaba [76], ou pour avoir fait un appel à la prière à la fenêtre de la cellule [77].

En revanche est censurée la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire pour avoir crié « Allah Akbar », car la matérialité des faits n’est pas suffisamment établie [78]. Le juge administratif estime disproportionnée une sanction de mise en cellule disciplinaire de huit jours alors que l’intéressé a seulement participé à une prière collective improvisée dans la cour de promenade de la maison d’arrêt sans être meneur [79] ou, encore, la prolongation de six mois du placement à l’isolement d’un détenu radicalisé, ayant par le passé procédé à la conversion et radicalisation de nombreux détenus et mené des refus collectifs de réintégrer les cellules car les faits reprochés sont antérieurs à plus de deux ans à la décision critiquée [80]. Il en est de même sur la prolongation de trois mois de l’isolement d’un détenu radicalisé reposant sur les mêmes motifs que la décision initiale sans éléments nouveaux [81]. À l’inverse, la CAA de Douai estime qu’est fondée une décision de prolongation de l’isolement de trois mois d’un détenu radicalisé condamné pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste, eu égard au risque qu’il représentait pour la sécurité du personnel et des détenus, « alors même qu’il n’aurait pas, entre son incarcération et la date de la mesure contestée, commis d’actes de prosélytisme [82] ».

Avec la lutte contre la radicalisation en prison, on constate l’émergence d’un régime quasi systématique de placement à l’isolement de ces détenus, avec le cas échéant des rotations de sécurité [83]. Sont ainsi justifiés par la nécessité de préserver le bon ordre et la sécurité, ne portant pas atteinte à la liberté religieuse, un placement à l’isolement de trois mois en raison de « la radicalisation [de son] comportement religieux, par l’attitude prosélyte qu’il exerçait à l’égard d’autres détenus, en particulier les plus fragiles qu’il s’efforçait de convaincre de multiplier les revendications, et par son comportement hostile et vindicatif à l’encontre du personnel surveillant, en particulier féminin, auquel il adressait habituellement des propos agressifs ainsi que de graves insultes [84] » ou encore un isolement provisoire « compte tenu [d’un] comportement qui s’est traduit par une pratique rigoriste de sa religion, des difficultés de communication avec le personnel féminin et un refus de participer au culte musulman institutionnel » ainsi que « d’une influence sur certains détenus connus comme radicalisés et a été considéré comme étant à l’origine d’une revendication en vue d’obtenir plus de cantine durant le Ramadan ou du changement de pratique religieuse d’un autre détenu [85] ».

Sont aussi admises plusieurs décisions successives de placement à l’isolement ou de transfert en raison du prosélytisme à l’égard des co-détenus et de la personnalité violente et dangereuse d’un détenu, « se traduisant notamment par sa propre mise en scène dans une tenue caractéristique de ses convictions [86] ». Il est pris en compte le fait que ce détenu fréquentait également des détenus condamnés pour des faits de terrorisme et signalés comme faisant l’apologie des attentats terroristes perpétrés en France et apparaissait sur des photos tête recouverte d’un foulard, et arborant un drapeau noir comportant une sourate du Coran écrite en arabe [87]. Il en est de même s’agissant d’un détenu qui, dans les mois précédents, a eu un comportement « demeuré préoccupant » avec une persistance d’une « pratique radicale de l’islam » ainsi que des échanges avec ses codétenus quant à cette pratique religieuse [88].

Et comme pour les décisions de transfert, le juge administratif estime que, même si elle en limite l’exercice, une décision plaçant un détenu à l’isolement n’a « ni pour objet ni pour effet de l’empêcher de pratiquer sa religion [89] ». Pourtant ce grief revient souvent dans les requêtes [90]. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un détenu ne peut assister à la messe de Pâques célébrée au sein de l’établissement en raison de son placement en cellule disciplinaire [91].

Dans un article de référence sur cette question, Jean-Marie Delarue estimait qu’« entre le dedans des lieux de privation de liberté et le dehors, l’exercice des cultes est moins une différence de nature… qu’une différence de degré [92] ». Le prisme déformant du contentieux administratif pénitentiaire révèle pourtant une laïcité pénitentiaire de moins en moins apaisée et apaisante.

Serge Slama
Université Grenoble-Alpes, Centre de Recherches Juridiques (CRJ)

Notes

[1C. Béraud, C. de Galembert, C. Rostaing, De la religion en prison, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.

[2Ibid., p. 18.

[3Ibid., p. 15.

[4Ibid.

[5Ibid., p. 20.

[6Ibid., p. 19.

[7E. Goffman, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Minuit, 1968.

[8F. Khosrokhavar, Radicalisation, Paris, Éd. de la MSH, 2014.

[9Direction de l’administration pénitentiaire, Le fait religieux en prison : configurations, apports, risques. Actes des Journées d’études internationales organisées par la direction de l’Administration pénitentiaire (DAP), 28 et 29 oct. 2013, Sciences Po Paris, 2014 : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Travaux_et_doc_83_Fait_religieux_en_prison_opt.pdf [consulté le 3 mai 2021].

[10B. Liaras, S. Dindo, « Dossier : la religion en prison », Dedans / dehors, 12 juill. 2015 : https://oip.org/analyse/dossier-la-religion-en-prison [consulté le 3 mai 2021].

[11C. Béraud, C. de Galembert, C. Rostaing, De la religion en prison, op. cit., p. 26.

[12CE, 30 juill. 2003, n° 252712 : Lebon ; AJDA 2003, p. 2090, note D. Costa ; D. 2003, p. 2331, note M. Herzog-Evans ; RSC 2005, p. 390, obs. P. Poncela. V. S. Slama, N. Ferran, Défendre en justice la cause des personnes détenues, Actes du colloque des 25 et 26 janv. 2013, CNCDH & CREDOF, Paris, La Documentation française, 2014.

[13V. plus largement : H. Pauliat, « L’évolution de la pensée du juge administratif en matière de laïcité », Les cahiers de la justice 2018, p. 455-466.

[14Cette recherche a été permise grâce à une convention avec le Conseil d’État (CRDJ) permettant la consultation d’Ariane archive au TA de Grenoble.

[15Ce corpus de décisions TA / CAA a été identifié par les mots clefs « pénitentiaire », « religion », « détention » et « laïcité » en excluant les décisions relatives aux demandes d’asile et aux extraditions (SAUF « asile » et « extradition ») pour ne collecter que les décisions concernant les prisons françaises.

[16CAA Paris, 30 mai 2011, n° 10PA03589 : AJDA 2011, p. 2185, note P. Vidal-Delplanque ; D. 2012, p. 1294, obs. E. Péchillon ; CAA Paris, 27 juin 2011, n° 10PA03749 : AJDA 2011, p. 2121, obs. M. Sirinelli.

[17CE, 16 oct. 2013, n° 351115, 351116, 351152, 351153, 351220, 354484, 354485, 354507, 354508 : Lebon T., p. 588 et 682 ; AJDA 2013, p. 2386, concl. D. Hedary ; D. 2013, p. 2469, et les obs. ; D. 2014, p. 41, chron. F. Dieu ; AJ pénal 2013, p. 685, obs. E. Péchillon.

[18TA Melun, réf., 20 janv. 2009, n° 0809652 : refus d’agrément d’un aumônier régional protestant.

[19En ce sens V. conclusions (non publiées) de G. Pellissier sur CE, 27 juin 2018, n° 412039, Union des associations Diocésaines de France et Monseigneur Pontier.

[20V. Guset, « Les aumôniers entre les Églises et l’État », RFDA 2018 p. 639.

[21L’alinéa 2 de l’article 2 prévoit en effet expressément que sont inscrites au budget de l’État « les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que les […] prisons ».

[22CE, 27 juill. 2001, n° 215550, 220980, Synd. national pénitentiaire FO-Direction : Lebon, p. 393 ; AJFP 2002, p. 39, note J. Mekhantar ; CE, 29 mai 2002, n° 235806, Synd. national pénitentiaire FO-Direction : à propos des primes accordées aux surveillants congréganistes.

[23CE, 16 oct. 2013, précit.

[24Ibid.

[25TA Toulouse, 5 nov. 2007, n° 063496.

[26TA Limoges, 16 oct. 2008, n° 0700710. Confirmé en appel : CAA Bordeaux, 20 oct. 2009, n° 08BX03245, Garde des Sceaux c. B., puis en cassation : CE, 16 oct. 2013, n° 351153, précit. En 2010, le même requérant obtint l’annulation par le TA de Paris d’une décision de 2008 de refus d’agrément en qualité d’aumônier (TA Paris, 21 juin 2010, n° 0806080).

[27TA Nancy, 27 janv. 2009, n° 0702027 ; TA Lyon, 12 avr. 2011, n° 0902714 ; TA Melun, 7 juill. 2011, n° 0901515 ; TA Basse-Terre, ord., 27 août 2009, n° 09-378 (non-lieu à statuer) ; TA de Basse-Terre, 8 mars 2013, n° 090038.

[28CPP, art. R. 57-9-7 modifié par D. n° 2010-1634, 23 déc. 2010 (V. infra).

[29TA Strasbourg, réf., 23 sept. 2011, n° 1104696. Dans cette ordonnance inique, il est pourtant reconnu que « l’administration impose ainsi à l’intéressé une contrainte grave et durable susceptible d’excéder illégalement celle qui est nécessaire pour l’application de l’article 57 de la loi du 24 novembre 2009 ».

[30TA Strasbourg, 31 mai 2012, n° 1105020 : annulation de la décision du… 16 août 2011 alors que les visites avaient lieu tous les 15 jours. V. aussi TA Strasbourg, 20 déc. 2012, n° 1105030 : annulation d’une décision du 5 juill. 2011, puis TA de Paris, 30 avr. 2014, n° 1218097 : 500 € d’indemnisation du préjudice moral pour la privation durant un an de la pratique du culte.

[31L’effet statistique de ces décisions a été assez rapide. Ainsi, en 2015, on dénombrait 760 aumôniers catholiques, 362 protestants, 193 musulmans, 75 israélites, 52 orthodoxes et 57 d’autres confessions notamment bouddhistes et témoins de Jéhovah (A. Delavay, « Laïcité et prison : que dit le Droit ? », JDA 2017, dossier 03, art. 123). Au 15 août 2017, on dénombrait 1585 intervenants d’aumônerie agréés : 695 catholiques, 347 protestants ; 224 musulmans, 170 TDJ, 76 israélites, 54 orthodoxes et 19 bouddhistes (Ministère de la Justice, Culte. Pratiques et organisation du culte en détention, 14 févr. 2018 : http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/la-vie-en-detention-10039/culte-12002.html, [consulté le 3 mai 2021]).

[32TA Bastia, 17 oct. 2019, n° 1800741 : alors que l’AP invoquait sa radicalisation sur la base de différents faits épars consignés dans des notes blanches, le tribunal estime au regard de nombreux éléments versés au dossier que l’intéressé est « quelqu’un de pacifiste et de respecté au sein de la communauté musulmane, dont les discours ne prônent que des idéaux de tolérance et de compréhension entre les cultures ».

[33TA Grenoble, 22 juin 2017, n° 1401961. V. CPP, art. D. 439.

[34TA Melun, ord., 20 janv. 2009, n° 0809652 ; CAA Bordeaux, 13 oct. 2016, n° 15BX00693 annulant, s’agissant de l’effet rétroactif de la décision, la décision du TA Toulouse, 2 oct. 2014, n° 1202937.

[35Art. 26 de la loi de 2009 : « Les personnes détenues ont droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l’organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement. »

[36CE, 11 juin 2014, n° 365237 : Lebon T., p. 663 et 734.

[37TA Paris, réf., 25 mars 2015, n° 1504036 ; CAA Paris, 14 déc. 2017, n° 16PA00603 confirmant TA Paris, 8 déc. 2015, n° 1431826 (avec également rejet du grief de traitement discriminatoire à l’égard des femmes en raison de l’implantation géographique des établissements pour femmes).

[38CAA Paris, 20 nov. 2014, n° 13PA02358 confirmant TA Paris, 18 avr. 2013, n° 1108470. V. aussi TA, ord., 12 janv. 2012, n° 1100596 qui écarte des allégations de traitement discriminatoire en raison de la religion.

[39CAA Bordeaux, 8 sept. 2009, n° 08BX01040 confirmant TA Limoges, 13 mars 2008, n° 0601476, 0601488, 0601490, 0601492, 0601538, 0601611, 0601623, 0700113, 0700225.

[40TA Polynésie, ord., 17 mai 2019, n° 1900176.

[41Concl. G. Pellissier, précit.

[42CE, 27 juin 2018, Union des associations diocésaines de France, précit.

[43P.-H. Prélot, « L’Université et la laïcité », AJDA 2017, p. 1375.

[44Pour une analyse plus poussée V. C. Béraud, C. de Galembert, C. Rostaing, De la religion en prison, op. cit., chap. VI « La religion qui contraint » et chapitre IX « Outil de gouvernement de la prison ? ».

[45V. Note NOR:JUSK1440001N du 16 juill. 2014 relative à la pratique du culte en détention ; Note du 7 mars 2005 relative à la cantine casher dans les établissements pénitentiaires ; Note du 13 juill. 2007 relative à l’exercice du culte musulman en milieu pénitentiaire ; Note du 14 juin 2010 sur la faculté de recevoir et conserver en cellule des tefilins ou phylactères et un châle de prière (talith) pour les détenus de confession israélite.

[46La note de la directrice de l’AP du 16 juillet 2014 contient, à titre indicatif, en annexe une liste, culte par culte (avec photos) des objets cultuels autorisés en détention. Il est indiqué qu’« en cas de doute sur le caractère cultuel d’un objet, les chefs d’établissement sont invités à saisir la direction interrégionale qui peut solliciter l’avis de l’aumônier régional ».

[47Annexé à l’art. R. 57-6-18 CPP (modifié par D. n° 2017-750, 3 mai 2017).

[48V. art. 32 du règlement-type.

[49Note du 16 juill. 2014, précit.

[50CAA Nancy, 12 avr. 2012, n° 10NT01980.

[51TA Strasbourg, 25 avr. 2019, n° 1703515 : ledit coussin était susceptible de dissimuler des objets ou substances.

[52TA Lille, 6 mars 2020, n° 1806059.

[53TA Rouen, 19 juin 2020, n° 1801010.

[54V. CGLPL, avis du 24 mars 2011 relatif à l’exercice du culte dans les lieux de privation de liberté : https://www.cglpl.fr/2011/avis-du-24-mars-2011-relatif-a-lexercice-du-culte-dans-les-lieux-de-privation-de-liberte [consulté le 3 mai 2021] et son Rapport d’activité 2013, chap. 8.

[55V. CEDH, 7 déc. 2010, n° 18429/06, Jakóbski c. Pologne.

[566 des 8 requêtes concernent le même détenu (2 jugements de TA, 2 décisions de CAA sur le sursis et le fond et 2 décisions du CE sur le sursis et le fond).

[57Il était uniquement prévu dans le cahier des clauses techniques particulières du prestataire la fourniture de menus adaptés à l’occasion des fêtes religieuses et une liste de produits hallal pouvant être commandés en les ajoutant sur le bon de cantine.

[58TA Grenoble, 7 nov. 2013, n° 1302502.

[59CAA Lyon, 20 mars 2014, n° 14LY00115.

[60CE, 16 juill. 2014, n° 377145.

[61CAA Lyon, 22 juill. 2014, n° 14LY00113, Ministre de la justice : AJDA 2014, p. 2321, note P.-H. Prélot.

[62V. X. Bioy, « Dans toute la mesure du possible… », AJDA 2016, p. 1127.

[63Dans un arrêt Stojanovic, le Conseil d’État avait déjà validé la conventionnalité de l’article 9 du règlement-type sur la base des mêmes motifs : CE, 25 févr. 2015, n° 375724 : AJDA 2015, p. 421 ; D. 2015, p. 1122, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon.

[64CE, 10 févr. 2016, n° 385929 : Lebon, p. 27, concl. A. Bretonneau.

[65TA Dijon, 1er déc. 2017, n° 1603498.

[66TA Grenoble, 22 juin 2017, n° 1406541.

[67TA Melun, 17 mars 2017, n° 1406940.

[68TA Clermont, réf., 8 juill. 2016, n° 1601001.

[69TA Lille, 19 déc. 2019, n° 1704568.

[70V. art. 18 du règlement intérieur type.

[71CAA Bordeaux, 8 sept. 2009, précit.

[72TA Limoges, 23 mars 2008, n° 0700212 : sanction de dix jours de cellule disciplinaire, dont huit avec sursis.

[73CAA Lyon, 29 nov. 2012, n° 12LY00174, 12LY00250 confirmant TA Clermont-Ferrand, 24 nov. 2011, n° 1100590, 1100591.

[74CAA Nancy, 18 févr. 2012, n° 09NC01261. Eu égard à la gravité du geste, la CAA censure le jugement du TA (Strasbourg, 25 juin 2009, n° 0803184) qui avait ramené la sanction de 45 à 30 jours en estimant que la réalité des propos n’avait pas été établie.

[75TA Limoges, 29 sept. 2011, n° 1000008.

[76TA Limoges, 5 févr. 2009, n° 0800267. V. art. 18 du règlement-type qui prévoit désormais expressément que : « Le port des vêtements religieux est interdit dans les lieux à usage collectif, à l’exception de la salle de culte » et la note de l’AP du 16 juill. 2014, p. 10 qui précise : « Le port de signes par lesquels les personnes détenues manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».

[77TA Melun, 9 juin 2017, n° 1503453.

[78TA Lille, 17 oct. 2019, n° 1703846.

[79TA Versailles, 24 mars 2005, n° 0406598 : la sanction prononcée en mai 2004 est censurée près d’un an après son exécution…

[80TA Paris, 2 avr. 2010, n° 0807026.

[81TA Lille, 14 déc. 2017, nos 1605891, 1608240 : là aussi la décision de censure intervient plus d’un an après l’exécution de la décision.

[82CAA Douai, 28 févr. 2019, n° 17DA00774 confirmant TA Amiens, 17 janv. 2017, n° 1404060.

[83V. TA Rouen, 16 juill. 2019, n° 1701387. Et pour un cas similaire de placements à l’isolement sur de longues durées pour des détenus radicalisés qui n’est pas considéré, en référé-liberté, comme un traitement inhumain et dégradant : CE, 13 juin 2019, n° 431126. V. plus largement sur cette question : M. Kamal-Girard, « Contester une décision de mise à l’isolement devant le juge des référés. Une voie sans issue ? », AJDA 2020, p. 2484.

[84CAA Marseille, 14 mai 2018, n° 16MA04624 confirmant TA Marseille, 17 mai 2016, n° 1406890.

[85TA Amiens, 27 juin 2017, n° 1502069. V. aussi sur des placements à l’isolement en raison d’attitudes prosélytes ou d’une radicalisation : TA Rouen, 15 mai 2018, n° 1602743 ; TA Amiens, 6 déc. 2019, n° 1702575 : s’agissant d’un détenu instable psychologiquement qui n’a pas eu accès à un médecin (confirmation par substitution des motifs !) ; TA Orléans, 7 déc. 2017, n° 1503453 (annulation pour incompétence).

[86TA Rouen, 11 déc. 2018, n° 1700081, 1701263 ; TA Nantes, réf., 22 oct. 2019, n° 1910773.

[87TA Rouen, 11 déc. 2018, n° 1603592. Il finit par obtenir l’annulation, pour incompétence, « des décisions des 30 décembre 2017 et 2, 9 et 23 janvier, 6 et 20 février, 6 et 20 mars, 3 et 30 avril, 15 et 29 mai, et 12 et 26 juin 2018, par lesquelles le directeur […] l’a placé, puis maintenu en régime de détention contrôlé ». Néanmoins, dans la même décision, la légalité de la décision du 10 juillet 2018 prolongeant l’isolement pour trois mois est confirmée en raison de son influence sur ses codétenus et de son comportement agressif à l’égard des surveillants, particulièrement ceux de sexe féminin (TA Rouen, 30 avr. 2020, n° 1802863, 1803868).

[88TA Amiens, 15 juill. 2020, n° 1803287, 1902539.

[89CAA Nancy, 6 août 2009, n° 08NC00631 (confirmant TA Châlons, 28 févr. 2008).

[90Par ex. TA Nantes, réf., 2 déc. 2020, n° 2011727.

[91TA Dijon, 6 juin 2013, n° 1200983 (rejet de la requête en annulation) et TA Dijon, 7 août 2014, n° 1300608 (rejet de la requête indemnitaire). V. art. 5 du règlement intérieur type (annexé à l’art. R. 57-6-18 CPP).

[92J.-M. Delarue, « Laïcité, cultes et lieux de privation de liberté », in Mélanges en l’honneur de Marcel Long, Paris, Dalloz, 2016, p. 141.