Résumé juridique

CEDH, Palau-Martinez c. France, 16 décembre 2003, n° 64927/01
Article 8 (Respect de la vie familiale) - Article 14 (Discrimination)

Article 8 DISCRIMINATION

Placement des enfants chez le père, la mère étant Témoin de Jéhovah : violation.
En fait La requérante avait demandé le divorce après le départ de son mari du domicile conjugal. Le juge de première instance avait fixé chez elle la résidence de ses deux enfants mineurs, le père bénéficiant d’un droit de visite et d’hébergement, notamment durant les vacances des enfants. C’est cette occasion que l’ex-époux de la requérante garda les enfants auprès de lui et les inscrivit dans une école du lieu de son domicile. La cour d’appel décida de fixer la résidence des enfants au domicile du père et accorda la mère un droit de visite et d’hébergement après avoir rejeté sa demande d’enquête sociale. La cour estima que l’intérêt des enfants était d’échapper aux règles éducatives imposées aux enfants par les témoins de Jéhovah dont leur mère était adepte ; ces règles étaient critiquables en raison de leur dureté, de leur intolérance et des obligations imposées aux enfants de pratiquer le prosélytisme. La requérante forma sans succès un pourvoi en cassation.
En droit Article 14 combiné avec l’article 8 – La fixation de la résidence des enfants chez le père intervint alors que les enfants vivaient avec leur mère depuis trois ans et demi, ce qui fait que l’arrêt qui en décida s’analyse en une « ingérence », et non en une intervention du juge nécessaire dans tout divorce comme le soutient le Gouvernement. Examinant les conditions dans lesquelles la requérante et son ex-époux élevaient respectivement leurs enfants, le juge a opéré entre les parents une différence de traitement reposant sur la religion de la requérante, au nom dune critique sévère des principes d’éducation qui seraient imposés par cette religion. Ce faisant, le juge na énoncé que des généralités relatives aux témoins de Jéhovah. L’arrêt n’apporte aucun élément concret et direct démontrant l’influence de la religion de la requérante sur l’éducation et la vie quotidienne de ses enfants. De plus, le juge na pas estimé opportune l’enquête sociale demandée par la requérante et couramment pratiquée en cette matière ; or cette enquête aurait sans doute permis de réunir des éléments concrets sur la vie des enfants avec l’un et l’autre de leurs parents, et sur les incidences éventuelles de la pratique religieuse de leur mère sur leur vie et sur leur éducation, pendant les années où ils avaient vécu avec elle après le départ de leur père. Bref, le juge national s’est prononcée in abstracto et en fonction de considérations de caractère général, sans établir de lien entre les conditions de vie des enfants auprès de leur mère et leur intérêt réel. Cette motivation, bien que pertinente, n’est pas « suffisante ». Il n’y a donc pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Conclusion : violation (six voix contre une).

La Cour dit, l’unanimité, qu’il ne s’impose pas de statuer sur la violation de l’article 8 pris isolément ni d’examiner séparément les articles 6(1) et 9.

Article 41 – La Cour alloue des sommes au titre du préjudice moral et pour frais et dépens.