Droit administratif

Suspension des fouilles à nu systématiques et non justifiées sur un détenu
TA Poitiers, 22 mars 2012

- Modifié le 4 mai 2023

Faute de pouvoir légalement interdire la pratique d’un culte, certains centres de détention s’autorisent des pratiques dégradantes afin d’intimider des détenus souhaitant exercer le culte des Témoins de Jéhovah.

Par exemple, l’Observatoire international des prisons (OIP) a dénoncé les fouilles intégrales pratiquées systématiquement sur des détenus par le centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, sans aucune justification légale. Aussi a-t-il saisi le Tribunal administratif de Poitiers pour mettre fin aux fouilles abusives à nu, en dehors du cadre strictement limité par la loi.

Le juge des référés a suspendu en janvier dernier ces pratiques illégales, en rappelant que la Convention européenne des droits de l’homme prohibe formellement tout traitement inhumain ou dégradant. Il ajoute que la loi votée en novembre 2009 les autorise seulement dans deux situations bien précises :

 lorsque le détenu est soupçonné d’avoir commis une infraction, telle que l’introduction dans la prison d’objets interdits ;

 lorsqu’il y a un risque avéré pour les autres en raison de son comportement.

La soumission systématique à ces traitements humiliants au retour d’un parloir ou d’une présentation à un magistrat n’est donc pas en conformité avec le droit en vigueur en France. La réaction d’un délégué syndical a été immédiate : « C’est une décision d’une stupidité affligeante. C’est un non-sens absolu. » Selon lui, « les fouilles à la prison de Vivonne ne sont pas et n’ont jamais été systématiques. »

Pourtant, le juge du fond vient de statuer sur un cas concret qui prouve le contraire : depuis son arrivée, un détenu subit chaque semaine une mise à nu et un examen corporel des plus intimes, simplement parce qu’il rencontre au parloir un ministre du culte des Témoins de Jéhovah.

Pour le Tribunal administratif de Poitiers, le plaignant ne présente ni un comportement ni une dangerosité qui pourrait justifier de telles fouilles intégrales systématiques.

Par sa décision du 22 mars 2012, rendue publique le lendemain, le juge a donc enjoint le Garde des Sceaux d’ordonner la suspension immédiate des fouilles à nu sur ce détenu, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Références

Tribunal administratif de Poitiers, juge des référés, ordonnance du 25 janvier 2012 ;

Tribunal administratif de Poitiers, 22 mars 2012 ;

AFP, 26 janvier 2012 ;

AFP, 23 mars 2012 ;

La Nouvelle République du Centre Ouest, 24 mars 2012 ;

Le Monde, 25, 26 mars 2012.