Droits fondamentaux

Résolution sur la protection des mineurs contre les dérives sectaires
Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 10 avril 2014

- Modifié le 4 mai 2023

Les instances européennes expriment généralement des avis équilibrés au sujet du phénomène sectaire, grâce à un certain consensus qui ressort des expériences partagées par la plupart des États membres du Conseil de l’Europe. L’adoption de la résolution sur « La protection des mineurs contre les dérives sectaires » par l’Assemblée parlementaire le 10 avril 2014 est assez représentative du décalage entre l’approche politique française du phénomène sectaire et celle de ses voisins européens.

À la suite d’une proposition de résolution intitulée « La protection des mineurs contre l’influence des sectes » déposée par plusieurs membres de l’assemblée en avril 2011, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme a chargé le député français Rudy Salles de préparer un rapport aboutissant à un projet de résolution, ainsi qu’à un projet de recommandation. Dans son avis du 31 mars 2014, la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a estimé souhaitable que ce rapport, tout comme la résolution et la recommandation proposées, « établissent un lien plus étroit entre les normes européennes et les situations de vie des enfants, et situent la problématique dans un contexte social et politique plus large ».

Contrairement au gouvernement français qui met uniquement en avant les dangers attribués aux mouvements sectaires et qui feint d’ignorer les discriminations subies par les membres de ces minorités spirituelles, la résolution adoptée prend en considération les dérives dans les deux sens : l’Assemblée parlementaire déclare effectivement être « particulièrement préoccupée par la protection des mineurs, notamment ceux qui appartiennent à des minorités religieuses y compris les sectes », mais elle ajoute dans le même paragraphe qu’elle « condamne l’intolérance et la discrimination à l’encontre des enfants pour des motifs de religion ou de croyance, en particulier dans le système éducatif ».

Loin de stigmatiser les différences des minorités confessionnelles, la résolution encourage plus volontiers un véritable esprit de tolérance : « Le Conseil de l’Europe a toujours promu une culture du “vivre ensemble” et l’Assemblée s’est exprimée à plusieurs reprises en faveur de la liberté de pensée, de conscience et de religion ainsi qu’en faveur des groupes religieux minoritaires. » Le dernier paragraphe est très clair : « L’Assemblée invite les États membres à veiller à ce qu’aucune discrimination ne soit autorisée en raison du fait qu’un mouvement est considéré ou non comme une secte, à ce qu’aucune distinction ne soit faite entre les religions traditionnelles et des mouvements religieux non traditionnels, de nouveaux mouvements religieux ou des “sectes” s’agissant de l’application du droit civil et pénal, et à ce que chaque mesure prise à l’encontre de mouvements religieux non traditionnels, de nouveaux mouvements religieux ou de “sectes” soit alignée sur les normes des droits de l’homme telles qu’elles sont consacrées par la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres instruments pertinents protégeant la dignité inhérente à tous les êtres humains et l’égalité de leurs droits inaliénables. »

En revanche, le projet de recommandation qui devait suggérer au Comité des ministres « de réaliser une étude visant à mesurer la réalité du phénomène sectaire touchant les mineurs au niveau européen », « de mettre en place un groupe de travail chargé d’échanger entre les États membres des informations relatives aux dérives sectaires touchant les mineurs » et « d’œuvrer à une meilleure coopération au plan européen pour mettre en place des actions communes de prévention et de protection des mineurs contre les dérives sectaires », n’a pas emporté l’adhésion de l’Assemblée parlementaire. Le rejet de ce texte rend manifeste que les membres du Conseil de l’Europe ne partagent pas dans leur ensemble la vision alarmiste de groupes politiques sous l’influence de lobbies antisectes, notamment en France, qui exagèrent le danger des sectes et entreprennent tout une série de mesures pour lutter contre un problème surestimé, sans jamais tenir compte des risques de stigmatisation de minorités inoffensives.