Question de droit

Un organe étatique peut-il sensibiliser les juges aux dérives sectaires ?
Magistrature - Indépendance - Formation par un organisme gouvernemental - Dérives sectaires

- Modifié le 5 juillet 2023

Si le gouvernement ou tout organisme qui en dépend imposait aux magistrats une formation spécifique sur les dérives sectaires, cela pourrait remettre en cause l’indépendance de la justice vis-à-vis de l’exécutif. Il serait alors légitime de se demander dans quelle mesure une telle intervention pourrait relever d’une forme de conditionnement de la magistrature en faveur d’une politique déterminée.

Dans ses observations finales d’un rapport périodique de 1996, le Comité des droits de l’homme des Nations unies recommandait clairement à la République fédérale d’Allemagne de « mettre un terme aux séances de “sensibilisation” des juges contre les pratiques de certaines sectes particulières [1] ». D’autant plus que le rapport pointait un manque de moyen pour déployer des « programmes plus larges d’éducation et de formation aux valeurs relatives aux droits de l’homme ».

Dans un nouveau rapport périodique publié en 2002, ce même comité a apporté quelques précisions sur les raisons de sa recommandation : il craignait principalement que « les juges ne soient influencés par l’État dans leur attitude à l’égard de groupes religieux spécifiques [2] ». En effet, il a rappelé ce que signifie une véritable indépendance des magistrats :

« La conséquence de cette indépendance est que les juges sont les seuls à décider d’accepter ou de rejeter, avec l’interprétation qu’ils entendent leur donner, les observations faites par des experts ou spécialistes lors de telles conférences. L’État ne peut pas prescrire une interprétation spécifique à un juge. »

L’État allemand a corrigé en conséquence sa politique pour se conformer au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, afin de mieux respecter les droits des minorités religieuses. Aussi organise-t-il une seule conférence par an sur le thème des sectes, à laquelle les magistrats doivent demander volontairement à y participer parmi tant d’autres domaines.

À noter également que cette séance est plutôt « une instance de discussion et non un cours de formation systématique ni d’ailleurs un “programme de sensibilisation” ».