Conseil de l’Europe

Recommandation 1412 : Activités illégales des sectes
Assemblée parlementaire, 22 juin 1999

- Modifié le 6 avril 2023

Conseil de l’Europe

Assemblée parlementaire

Recommandation 1412 (1999)

1. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1178 (1992) relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux dans laquelle elle a estimé inopportun le recours à une législation majeure pour les sectes au motif que celle-ci risquerait de porter atteinte à la liberté de conscience et de religion garantie par l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ainsi qu’aux religions traditionnelles.

2. L’Assemblée réaffirme son attachement à la liberté de conscience et de religion. Elle reconnaît le pluralisme religieux comme une conséquence naturelle de la liberté de religion. Elle considère la neutralité de l’Etat et une protection égale devant la loi comme des garanties fondamentales pour éviter toute discrimination et invite donc les autorités étatiques à s’abstenir de prendre des mesures fondées sur un jugement de valeur relatif aux croyances.

3. Dans sa Recommandation 1178 (1992) elle s’était limitée à recommander au Comité des Ministres d’entreprendre des actions d’information et de formation, tant à l’égard des jeunes que du public en général, tout en demandant que la personnalité juridique soit accordée aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux dûment enregistrés.

4. Depuis l’adoption de cette recommandation, un certain nombre d’incidents graves se sont produits qui ont incité l’Assemblée à se pencher à nouveau sur le phénomène.

5. L’Assemblée est parvenue à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de définir ce que sont les sectes, ni de décider si elles sont ou ne sont pas une religion. Cependant, les groupes désignés sous ce nom suscitent une certaine inquiétude, qu’ils se décrivent comme religieux, ésotériques ou spirituels, et cela doit être pris en considération.

6. Par ailleurs, elle estime qu’il faut veiller à ce que les activités de ces groupes, qu’ils soient à caractère religieux, ésotérique ou spirituel, soient en conformité avec les principes de nos sociétés démocratiques, et notamment avec les dispositions de l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, et soient également légaux.

7. Il est primordial de disposer d’une information fiable sur lesdits groupements, qui ne provienne exclusivement ni des sectes elles-mêmes, ni des associations de défense des victimes de sectes, et de la diffuser largement au grand public, après que les personnes concernées aient eu la possibilité d’être entendues sur l’objectivité de telles informations.

8. L’Assemblée réitère la nécessité d’une action spécifique d’information sur l’histoire et la philosophie des grands courants de pensée et des religions, visant notamment les adolescents, dans le cadre des programmes scolaires.

9. L’Assemblée attache une grande importance à la protection des plus vulnérables, et notamment des enfants d’adeptes de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel, en cas de mauvais traitements, de viols, d’absence de soins, d’endoctrinement par lavage de cerveau et de non-scolarisation qui rend impossible tout contrôle de la part des services sociaux.

10. En conséquence, l’Assemblée invite les gouvernements des Etats membres :

10.1. à créer ou à soutenir, si nécessaire, des centres nationaux ou régionaux d’information sur les groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel qui soient indépendants de l’Etat ;

10.2. à prévoir dans les programmes d’éducation générale une information sur l’histoire et la philosophie des grands courants de pensée et des religions ;

10.3. à utiliser les procédures normales du droit pénal et civil contre les pratiques illégales menées au nom de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel ;

10.4. à faire appliquer sans faille la législation sur l’obligation de scolarité et, en cas de non-observation de cette obligation, à faire intervenir les autorités appropriées ;

10.5. à encourager la création, si nécessaire, d’organisations non gouvernementales pour les victimes ou les familles des victimes des groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel, notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale ;

10.6. à encourager une approche des groupes religieux empreinte de compréhension, de tolérance, de dialogue et de résolution des conflits ;

10.7. à prendre des mesures fermes contre toute action qui constitue une discrimination ou qui marginalise les groupes minoritaires, religieux ou spirituels.

11. En outre, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres :

11.1. de prévoir, le cas échéant, dans ses programmes d’aide aux pays d’Europe centrale et orientale une action spécifique concernant la création de centres d’information sur les groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel dans ces pays ;

11.2. de créer un observatoire européen sur les groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel dont la tâche serait de faciliter les échanges entre les centres nationaux.

Références

Discussion par l’Assemblée le 22 juin 1999 (18e séance) (voir Doc. 8373, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur : M. Nàstase ; Doc. 8379, avis de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, rapporteur : M. Hegyi ; et Doc. 8383, avis de la commission de la culture et de l’éducation, rapporteur : M. de Puig). Texte adopté par l’Assemblée le 22 juin 1999 (18e séance).