TA Rouen, 2 avril 2010
Assistante familiale - Licenciement - Motivation insuffisante

- Modifié le 17 février

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE ROUEN

N° 0802760

Mme P.

M. Coudert

Rapporteur

Mme Bailly

Rapporteur public

Audience du 11 mars 2010

Lecture du 2 avril 2010

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Rouen

(1re Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2008, présentée par Mme P., demeurant... ; Mme P. demande au Tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 8 août 2008 par laquelle le président du conseil général de l’Eure a procédé à son licenciement en qualité d’assistante familiale ;

2°) d’ordonner sa réintégration ;

3°) de dire que les agissements du conseil général de l’Eure sont constitutifs d’une voie de fait et de renvoyer l’affaire devant le juge judiciaire pour la fixation des dommages et intérêts ;

4°) de condamner le conseil général de l’Eure à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2009, présenté par le président du conseil général de l’Eure en exercice dûment autorisé ; le président du conseil général conclut au rejet de la requête de Mme P. et à ce que les entiers dépens soient mis à sa charge ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 mars 2010 :

 le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

 et les conclusions de Mme Bailly, rapporteur public ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 422-1 du code de l’action sociale et des familles : « Les articles L. 423-3 à L. 423-13, L. 423-15, L. 423-17 à L. 423-22, L. 423-27 à L. 423-33 et L. 423-35 s’appliquent aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 423-32 du même code : « L’employeur qui n’a pas d’enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l’issue de cette période s’il ne procède pas au licenciement de l’assistant familial fondé sur cette absence d’enfants à lui confier. » ; qu’aux termes de l’article L. 423-35 dudit code : « Dans le cas prévu à l’article L. 423-32, si l’employeur décide de procéder au licenciement, il convoque l’assistant familial par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. La lettre de licenciement ne peut être expédiée moins d’un jour franc après la date pour laquelle le salarié a été convoqué à l’entretien. L’employeur doit indiquer à l’assistant familial, au cours de l’entretien et dans la lettre recommandée, le motif pour lequel il ne lui confie plus d’enfants. » ;

Considérant que, par décision en date du 8 août 2008, le président du conseil général de l’Eure a procédé au licenciement de Mme P., employée en qualité d’assistante familiale depuis le 21 juin 2004 et à laquelle aucun enfant n’était plus confié depuis quatre mois ; que, contrairement aux dispositions précitées, cette décision n’indique pas le motif retenu pour ne plus lui confier d’enfant ; que, par suite, Mme P. est fondée à soutenir que la décision en litige est insuffisamment motivée et par suite à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou qu’un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. » ; qu’aux termes de, l’article L. 911-2 du code précité : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou qu’un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ;

Considérant que l’exécution du présent jugement implique la réintégration de Mme P. en qualité d’assistante familiale ; que, dès lors, il y a lieu d’enjoindre au président du conseil général de l’Eure de réintégrer la requérante dans les effectifs des assistants familiaux du service de l’aide sociale à l’enfance du département de l’Eure ;

Sur l’existence de la voie de fait :

Considérant que le président du conseil général de l’Eure, pour décider le licenciement de Mme P., a fait usage des pouvoirs qu’il tient des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles ; que, dès lors, la décision en litige, même entachée d’illégalité, ne saurait être regardée comme constitutive d’une voie de fait ; que, dès lors et en tout état de cause, les conclusions de Mme P. tendant à ce que le Tribunal de céans renvoie l’affaire devant le juge judiciaire aux fins pour ce dernier de fixer les dommages et intérêts qui lui sont dus, ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de l’Eure une somme de 300 € au titre des frais exposés par Mme P. et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La décision en date du 8 août 2008 par laquelle le président du conseil général de l’Eure a licencié Mme P. est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au président du conseil général de l’Eure de réintégrer Mme P. dans les effectifs des assistants familiaux de l’aide sociale à l’enfance du département.

Article 3 : Le département de l’Eure versera à Mme P. une somme de 300 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme P. est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme P. et au département de l’Eure.